La bonne guerre
été différent. Les Italiens ont toujours détesté les
Allemands. Par l’intermédiaire de leurs petits copains autrichiens les
Allemands ont toujours fait un maximum de tort aux Italiens.
Pour les Noirs, il y a eu une différence entre avant la
guerre et après. Nous trouvions Joe Louis formidable. C’était un champion hors
pair. Il était invincible. Personne ne pouvait se mesurer à lui. On connaissait
tous les boxeurs. Avant la guerre il les dominait tous. Il s’imposait vraiment.
La seule question c’était de savoir en combien de temps il les mettrait KO. Tout
le monde suivait les combats à la radio. On pouvait se promener dans le
quartier, tout le monde écoutait ça. Louis a mis Mauriello KO au premier round.
Il tenait un café dans notre quartier. C’était comme si on avait perdu le South
Bronx.
On s’engageait dans les marines ou dans la marine. On ne s’engageait
jamais pour défendre l’Amérique. Non, l’Amérique c’était comme un patron. (Il
rit.) Ça ne vous plairait pas de voir quelqu’un taillader les pneus de
votre patron. C’était du faux patriotisme. Nous n’avions pas le choix. Nous
étions italiens. Il n’y avait pas de lien entre l’Amérique et nous. C’était
quelque chose de flou.
Depuis la guerre les Italo-Américains ont changé de manière
étonnante. Maintenant ils sont tout ce qu’il y a de plus à droite. D’une façon
générale avant la guerre, on n’aimait pas les Noirs, pas plus que les Juifs d’ailleurs.
Il y avait des Juifs dans notre immeuble mais ce n’était pas pareil. C’était
les nôtres. Tu lui fous la paix, sinon je te bute. (Il rit.) Par contre
les Noirs étaient inexistants. Il y avait deux Noirs dans notre école et ils
étaient très sympas. On n’a jamais ressenti la moindre menace. Pas de menace au
niveau de l’emploi. Mais après la guerre…
Il y a eu des émeutes à Harlem en 45. Je me souviens très
bien, j’étais à la maison, un type a ouvert la porte et m’a crié : « Allez,
viens avec nous. » Ils allaient à Harlem pour la bagarre. Ils disaient :
« On va se faire quelques nègres. » C’était formidable. C’était
nouveau. Les Italo-Américains cessaient d’être italos pour commencer à devenir
américains. On s’intégrait. Maintenant on est comme vous, d’accord ?
Nous avons fait des études supérieures. Tous les types du
quartier sont devenus des gens très qualifiés. Tous ces gars dont la mère
parlait italien, tous sans exception, sont devenus ingénieurs ou pharmaciens. Les
plus minables devenaient pharmaciens. Mon frère travaille dans la métallurgie. On
se débrouillait mieux que les arrivistes juifs. On était des arrivistes
italiens. Maintenant nous sommes des citoyens à part entière.
Tout le monde commençait à s’acheter son petit lopin. On
voulait tous avoir une maison loin des quartiers noirs. Les gens parlaient des
nègres : « Il faut que je déménage sinon mes gosses… » Tout ce
qui comptait, c’était de se faire de l’argent. Nous étions devenus des gens
respectables. Nous avions perdu toute conscience de classe.
Notre famille vivait dans une grande maison que mon père
avait bâtie. Il avait construit un grand chai. Les gars qui avaient bossé dur
toute la journée – pas dans des bureaux, dans des usines – allaient dîner, et
comme il n’y avait pas de télé ils descendaient dans les chais après dîner
pendant la saison des vendanges, et ils pressaient le raisin. Toute la
communauté y participait. Dans notre maison toute la famille travaillait aux
vendanges. Nous formions la plus joyeuse bande du Bronx. (Il rit.) Mon
père fournissait le matériel. Des grandes cuves à vin. Chacun apportait sa part
de raisin. Le chai était transformé en pressoir. Après la guerre, plus personne
n’utilisait les chais. Il n’y avait plus de vie communautaire.
On perdait notre italianité. Autrefois, dans le quartier, il
y avait quatre ou cinq boulangeries italiennes. On parlait italien. Quand j’étais
gosse j’avais honte de parler italien, mais je le faisais quand même. À New
York, quand il faisait chaud, les gens s’asseyaient devant les immeubles et
parlaient italien. Tout d’un coup les choses ont changé. Avec le blé des
emprunts de guerre, et avec le pain blanc, ils ont commencé à se parler en
anglais. À la fin de la guerre on a vu apparaître les supermarchés. On se
faisait un peu d’argent. On voyait ce que voulait la société et on
Weitere Kostenlose Bücher