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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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J’ai continué à
marcher sans lui jeter un regard. Finalement, au bout de trois, quatre cents
mètres, je ne pouvais plus résister. Je me suis retourné. Il était resté là
interloqué. Je pense que même à Stalingrad il n’aurait pas été plus choqué. J’ai
eu l’impression qu’il ne m’avait pas quitté des yeux pendant tout ce temps-là. Complètement
stupéfait. Ça a dû être une rude déception pour lui. Pour moi, ç’a été un grand
moment. Je lui montrais que ce n’était pas seulement sa culture mais aussi la
mienne. C’était la culture universelle de tous les amateurs de musique.
    Ma première préoccupation, au retour de la guerre, a été de
gagner ma vie pour nourrir ma jeune famille. J’ai pris des cours de chant grâce
à la loi sur les GI. Je ne pense pas m’être jamais fait d’illusion sur l’évolution
du monde. C’était la première fois de notre existence qu’on se trouvait dans
une espèce de situation tribale qui nous permettait de nous entraider sans
crainte. J’avais compris que c’était l’absence de compétition, de frontières et
de tous ces préjugés bidons que j’avais appréciée à l’armée.

Des durs

John H. Abbott
    Bien qu’il ait la même longue barbe grise et le même
regard vif que le vieux marin du poème de Coleridge, il n’a pas de rides. Sa
jeunesse détonne. Imaginez un héros cordial. Il habite une petite maison à
Canoga Park, en Californie.
    Nous étions mûrs pour la guerre. Nous avions connu une
longue crise. Les gens avaient besoin de changement et une guerre promettait de
rendre les choses différentes. Assez de ces files d’indigents. Construisons des
bombardiers pour maintenir la paix. Ils ont juste changé les slogans. (Il
rit.) On n’a jamais eu de guerre aussi populaire. Les gens chantaient, dansaient,
buvaient, youpi, c’est la guerre.
    Je suis né en 1918, j’avais donc l’âge de la conscription. Ça
faisait déjà pas mal de temps que je me demandais comment je me comporterais
quand la guerre arriverait ou lorsque je serais enrôlé. Une fois, j’avais pris
la 22 Long Rifle de mon frère, j’étais allé dans les bois et j’avais tiré sur
un oiseau dans un arbre. Ça m’avait tellement rendu malade que je ne pouvais
même pas dormir. C’était à Scarborough, dans l’État de New York. C’est là que j’avais
commencé à me poser des questions.
    Je suis allé dans la bibliothèque du père d’un copain il
était docteur – et j’ai sorti des bouquins de médecine. On y observait la
guérison progressive d’un blessé de la première guerre mondiale : d’un
hamburger à un être humain. Je me demandais comment ils avaient pu recoller les
morceaux, ce qui avait bien pu arriver à ce type-là et pour quelle raison, et
pourquoi moi aussi je serais obligé de me retrouver là-dedans. J’étais au lycée
à l’époque. Je n’avais jamais entendu parler de pacifistes, ni de quakers. Je
ne savais même pas ce qu’était un objecteur de conscience. (Il rit.)
    Quand la guerre a éclaté j’étais en deuxième année au Pratt
Institute de Brooklyn. Nous étions tous mobilisables dans la classe. On nous a
distribué notre questionnaire comme pour un examen. J’étais offusqué. Il y
avait un deuxième questionnaire pour les objecteurs de conscience. Croyez-vous
en l’existence d’un être suprême ? Croyez-vous en Dieu ? Si vous n’étiez
pas croyant vous étiez mal parti. (Il rit.) Vous n’alliez pas pouvoir
être classé objecteur de conscience.
    Ce n’est pas moi qui ai décidé que je serais objecteur, ce
sont les services de la conscription. La seule chose que j’avais mise dans mon
questionnaire c’est que je n’avais aucune intention de participer à l’effort de
guerre. Je ne voulais pas y être mêlé. Je n’étais allé à l’école du dimanche de
l’église presbytérienne que pendant un an mais j’en savais assez. Ma religion n’était
pas différente de celle des autres sauf que je priais dans les bois. Je ne
fréquentais aucune église. Et de toute façon qu’est-ce que ça pouvait bien leur
foutre ce que je croyais ?
    Mon bureau de recrutement savait très bien quel genre de
type j’étais, ils savaient ce que je pensais avant même de m’avoir vu. Ils n’avaient
pas l’intention de perdre leur temps avec moi. (Il rit.) Ils m’ont
classé 4 E : objecteur de conscience.
    Ils avaient l’ordre de m’envoyer dans un camp. C’était
contraire à la loi parce que je

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