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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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n’avais pas terminé mes études. Je leur ai dit
que je n’obéirais pas à leurs ordres. Je suis allé trouver le district-attorney
et je lui ai tout raconté. Il m’a dit d’aller trouver les quakers de
Philadelphie et de leur demander de me montrer ce qu’étaient les camps. C’est
ce que j’ai fait. Pendant la seconde guerre les quakers, les brethen et les
mennonites avaient accepté du gouvernement ce système de camps.
    Il m’a aussi demandé d’aller voir un psychiatre. Ce que j’ai
fait. C’était un psychiatre du service de sélection. Il m’a invité à passer le
week-end chez lui. Quand j’ai compris ce qu’il me demandait de faire je me suis
mis dans une rage folle. (Il rit.) On ne m’avait encore jamais fait de
propositions. (Il rit.) Il essayait de me faire obtenir une
classification 4 F, pour homosexualité. Ceux qui acceptaient de passer le
week-end chez lui, il leur promettait de leur faire obtenir une classification
4 F.
    J’ai reçu l’ordre de partir dans un camp. J’en ai fait deux
successivement : un à Campton dans le New Hampshire et un à Chilaya en
Californie. On m’a transféré sans me demander mon avis. (Il rit.) Notre
boulot consistait à balayer les aiguilles de pin sur les routes des campings
pour que ceux qui avaient de l’essence, malgré le rationnement, puissent venir
s’offrir des vacances. On réparait les toilettes, on faisait du travail d’entretien,
du travail de cantonnier. On faisait aussi partie des pompiers volontaires.
    Je me suis vite fait éjecter de l’équipe de travail parce
que j’étais un agitateur. Je parlais à tout le monde, j’essayais de les amener
à laisser tomber le boulot, à quitter le camp. J’avais le sentiment que ce qu’on
faisait dans ces camps aidait l’effort de guerre. À mes yeux tout ce qu’on
faisait pour le service de sélection, fournisseur de chair à canon, revenait à
aider l’effort de guerre.
    Le boulot que nous faisions dans les camps était, à ce qu’on
disait, d’importance nationale. Nous, on disait que c’était un boulot d’impotence
nationale. Les bons de rationnement d’essence qu’il fallait coller sur les
pare-brise portaient en avertissement : « Ce déplacement est-il
vraiment nécessaire ? » Nous, on rayait « déplacement » et
on le remplaçait par « guerre ». Cette guerre est-elle vraiment
nécessaire ?
    Quand j’ai été transféré de la côte est à la côte ouest, la
traversée a été tout à fait fascinante. Les braves dames venaient à la gare
avec des bonbons, de la bouffe et des magazines. Elles attendaient les trains
de troupes. Elles offraient des cadeaux aux hommes qui partaient défendre leur
patrie. Dans notre train il y avait deux wagons de jeunes marines en civil qui
allaient à San Diego. Et un wagon d’objecteurs de conscience en civil eux aussi.
On est tous descendus et les braves dames ne savaient plus qui était qui. Comme
ça on a récupéré plein de bons trucs.
    Quand le bruit s’est répandu que dans le train il y avait
tout un groupe d’objecteurs, toutes ces bonnes dames sont venues nous trouver, nous
ont secoués comme des pruniers et nous ont dit : « Vous êtes un de
ces salauds de dégonflés ? Rendez-nous nos gâteaux. » Rendez-moi ma
pomme. Rendez-moi mon Life , espèce de trouillard. (Il rit.) Elles
étaient vraiment furieuses.
    Alors espèce de salopard de dégonflé ? « Dégonflé »,
c’était le grand mot. Je partais en stop quand j’avais une permission. Quand
quelqu’un me prenait, il me demandait tout de suite : « Comment ça se
fait que vous n’êtes pas en uniforme ? » Je répondais : « Je
suis objecteur de conscience. » Il disait : « Quoi ? espèce
de salopard de dégonflé ! » Il filait un grand coup de frein. Ouvrait
la porte. « Fous-moi le camp. »
    Quand j’allais boire une bière dans un bar il y avait tous
ces types en uniforme. Il ne fallait pas longtemps avant que j’entende : « Eh,
qu’est-ce qui t’arrive ? Qu’est-ce que tu as fait de ton uniforme ? »
Et je n’avais aucune raison de ne pas dire ce que j’étais. Quand je leur disais
que j’étais objecteur de conscience ou bien ils me cassaient la figure ou ils
me foutaient dehors.
    Avez-vous subi des violences physiques ?
    Oh oui, de nombreuses fois.
    Je n’ai jamais demandé à être objecteur de conscience. C’est
eux qui m’ont classé dans cette catégorie, 4 E. (Il rit.) Je n’ai jamais
eu l’impression

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