La Cabale des Muses
roi ne se contentera pas de supputations, Pistol et, faute de mieux, le dossier restera improductif. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi je m’obstine dans cette direction. C’est du passé ? Ma dernière mission en date m’a conduit en Normandie et j’ai rendu mes conclusions. Pour l’heure, dans l’attente que monsieur de La Reynie me confie un nouveau mandat, mes seuls soucis sont de définir et comprendre ce que cherchaient les sbires de la baronne de Sainte-Croix qui sont allés jusqu’au meurtre, de débusquer le balafré et de venger Maline.
— Noble et légitime cause… Cependant, pour achever de ronger l’os Rohan, je souhaiterais te rapporter la dernière trouvaille nocturne de la finaude Lisa…
Géraud lâcha son couteau dans son assiette, cessa de mâcher, mais, en arrêt, s’interdit de quémander la suite. Qu’avait donc encore imaginé la gamine ? Pistol le laissa lanterner juste le temps d’admirer une dariolette promenant ses rondeurs appétissantes à cinq pouces de son nez.
— Cette petite a du chien… et du flair – je parle de Lisa, commissaire, tu m’écoutes ? – une assistante de premier choix. Pendant ta retraite, du Cauzé m’a rapporté qu’elle l’avait alerté une nuit : Affinius recevait une fois encore le géant… mais celui-ci était accompagné d’un second mystérieux personnage qu’il n’a pu identifier, dont la voix et l’attitude ne lui sont pas inconnus. Il creuse le sujet et veille au grain. Dans la manœuvre, par un méchant hasard, il a été repéré par Marianne. Comment pouvait-il s’arracher à cette embarrassante situation ? Pour se justifier et épargner Lisa, il a été contraint au sacrifice de dévergonder la jeunette qui n’en espérait pas moins de sa part depuis belle lurette et clore ainsi ses jolies lèvres.
— Quel rapport avec mon affaire ?
— Aucun dans l’immédiat, je le concède, mais je n’ai pas terminé… Passe-moi, je te prie, ce crémeux fromage de Brie alangui sur sa couche de paille fraîche, merci… Nazelle avait donc espionné la conversation et…
— Marianne n’a rien révélé à son père ?
— Notre mousquetaire a su l’enrober et l’envoûter. Il s’en est fait sa complice dévouée. Sa beauté masque son manque d’esprit. Elle est à sa dévotion. Je disais que Nazelle a espionné la conversation des trois hommes au cours de laquelle un mot important prononcé à plusieurs reprises noue un lien avec ton voyage précédent. Il a très nettement entendu citer le nom d’un port stratégique à l’embouchure de la Seine : Quillebeuf.
Cette fois, le commissaire Lebayle s’anima :
— Le vieux philosophe matois se serait installé en France pour espionner ? Assouvir une vengeance hollandaise ou préparer une contre-offensive par la mer ? Ces diables de marins restent les meilleurs du monde devant les Anglais !... Alors, cette agitation des propriétaires terriens normands que le gouverneur de Saint-Aignan surveille depuis 1672 serait propice à une intrusion dans la province par ce site fragilisé de Quillebeuf dont les fortifications n’ont jamais été achevées !
Pistol rayonnait. Par ce coup de fouet, il avait arraché son compère à sa torpeur et réveillé sa curiosité. Il leva son verre :
— À la réussite de ton enquête ! Tu sais pouvoir compter sur le soutien inconditionnel d’amis véritables : Jean-Charles du Cauzé de Nazelle et Pistol… Sans oublier cette malicieuse informatrice dont tu peux être fier : la formidable Lisa-Gautier dont Dieu t’a confié la garde.
Une ombre passa dans le regard de Géraud : Lisa sans Maline… Il s’était résolu à ne rien révéler, mais considérait cela comme une faiblesse de sa part, une faute impardonnable. Il lui fallait du temps et de la sérénité pour imaginer une solution acceptable…
— Tu as raison, se força-t-il à admettre. Tout se tient. Et nos mercenaires ne sont peut-être pas étrangers à cette cabale… Ce qui me sidère le plus, c’est cette collusion autour du perfide Affinius, si la conspiration s’avère. J’ai dîné à sa table, devisé, sympathisé et n’ai rencontré que bonhomie, jovialité, convivialité. J’ai beau chercher, je ne vois pas la faille. Il faudrait toujours se méfier des trop bons sentiments. Ce qui m’inquiète, c’est que Jean-Charles et Lisa sous son apparence de garçon ne sont plus en sécurité.
— Comment penses-tu agir ? s’informa
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