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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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stratagème qu’il avait utilisé pour intégrer la fillette à l’école des Muses.
    — Et tu me dis qu’elle étudie avec sérieux, félicitée par ses professeurs ; c’est une excellente chose.
    Nouvel acquiescement morose et désabusé. Eusèbe posa la main sur le poignet du commissaire accablé, désarçonné par une affaire qui meurtrissait son honneur et le touchait de trop près, bien qu’il n’ait aucun lien de sang avec les deux sœurs.
    — Je vais te donner mon sentiment, repartit Renaudot. Ma proposition te surprendra sans doute. Tu en penseras ce que tu voudras et agiras selon ta conscience…
    Intrigué, Géraud le fixa avec des prunelles humides qui trahissaient sans honte son désarroi.
    — Maline était partie à l’aventure, selon son caractère fantasque, jamais tu n’aurais pu apprivoiser cette lionne farouche. Cependant, elle te restait attachée et reconnaissante au point de sacrifier sa vie pour épargner la tienne.
    Géraud se tassa, comme frappé d’un coup de massue derrière la tête. Il grimaça, serra les poings sur la table et sous la poigne d’Eusèbe qui ne le relâcha pas.
    — Elle le savait. Ton devoir est de prier pour son salut et de lui organiser des obsèques sobres et dignes dans la foi chrétienne… Depuis combien de temps avait-elle disparu ?
    — Trois mois environ, grogna Géraud rechignant encore au dialogue.
    — C’est un laps de temps important et significatif.
    Cette phrase n’atteignant pas l’objectif escompté, Eusèbe attaqua la phase décisive.
    — Quant à ta petite protégée, ménage-la au mieux et ne compromets pas ses chances de réussite, inespérée pour une fille.
    Choqué, Géraud bondit :
    — La tromper devant Dieu, jamais !
    — Qui te parle de tromper ? Pour moi, il s’agit davantage de l’épargner. En trois mois, Lisa s’est déjà habituée à l’absence de sa sœur. Maline qui n’en était pas à son premier envol est partie. Elle est vivante, ailleurs. Imagine la violence du choc si la petite apprend la disparition de son aînée par la bouche de son mentor. La triste réalité en serait décuplée et l’amour se transformerait en haine. Veux-tu la clouer au pilori ? Veux-tu détruire ce que Maline te demandait par sa dernière volonté ? Qui a guidé ses pas ? Elle t’a sauvé parce qu’elle savait que tu étais le seul capable de t’occuper de Lisa comme un père !
    Le dernier mot fit regimber Géraud. Il releva le front et, suspicieux, sonda son ami. Lui confiait-il le fond de sa pensée ou cherchait-il à le ménager, lui donner bonne conscience ?... Dans son esprit perturbé, le cheminement était difficile. Sans cesse, d’une seconde à la suivante, il basculait d’une extrême dans l’autre, se culpabilisait, s’absolvait, se morfondait, s’euphorisait, retombait, doutait.
    — Quel âge a-t-elle ?
    La question d’Eusèbe le tira de son dilemme.
    — Lisa ?... Dans les dix-douze ans, je crois. Le sait-elle elle-même avec précision ? Elle est si… malingre.
    — Je dirais plutôt famélique pour l’avoir entr’aperçue quelquefois en ton absence. Elle n’a pas dû manger à sa faim tous les jours de son enfance. Mais si malicieuse et énergique. Elle apprend à lire, écrire, compter avec une grande facilité, sans oublier les autres matières qui la passionnent, et mieux que des garçons plus âgés, n’est-ce pas ?
    — Où veux-tu en venir ?... À ce que je reconnaisse qu’elle pourrait avoir une destinée que sa condition d’origine n’aurait jamais pu laisser soupçonner ni autoriser ? Que c’est une occasion exceptionnelle et que je dois lui donner tous les moyens de réussir ?... que… que d’une certaine façon j’en serais responsable ?
    — Tu ne l’as pas arrachée à une vie de misère et de prostitution pour l’y rejeter après l’avoir alléchée en l’ouvrant à la connaissance.
    — Ce n’est qu’une fille, Eusèbe !
    — Alors, parlons de Gautier qui fait plus qu’illusion.
    — Tu es habile, cependant, tu ne peux ignorer qu’une femme savante n’a pas sa place dans notre société, qui plus est sans naissance !
    — Sa vraie naissance est celle que tu lui as donnée. Père putatif est un titre honorifique impossible à réfuter sans te renier.
    — Ne te leurre pas. Sous l’apparence de Gautier, elle atteindra assez vite les limites de ses capacités intellectuelles.
    — Qu’en sais-tu ?
    — L’habit ne fait pas le moine,

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