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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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Eusèbe. Combien de femmes ayant l’avantage d’être bien nées brillent-elles par leur esprit ?
    — Tu y reviens ! Il n’est pas question d’en faire un Blaise Pascal ou un Descartes en jupons. Considère simplement Clara-Maria, la fille Van den Enden qui enseigne avec maîtrise. Mais il n’est même pas question de la hisser à un tel niveau, juste de lui permettre de voler de ses propres ailes. Il existe nombre de métiers où l’on peut réussir avec les connaissances essentielles. Et Gautier, si nécessaire, pourra esquisser une carrière pour suppléer quelque temps à sa jumelle.
    — Qui acquerra bientôt des attributs trop reconnaissables, si l’on se réfère au modèle de sa pauvre sœur.
    — Et quand bien même ! Pour tenter de te convaincre, je te prêterai le livre d’un bachelier de la Sorbonne, un certain Poulain de La Barre, sorti en août dernier qui fait polémique et grand bruit, mais ouvre une petite brèche dans la muraille de l’omnipotence masculine et du patriarcat : De l’égalité des deux sexes, discours physique et moral . Il porte comme sous-titre : Où l’on voit l’importance de se défaire des préjugés .
    — On m’en a déjà parlé, je sais qu’il défraie la chronique.
    — Pour l’heure, il te faut adopter une décision qui décidera de l’avenir de cette enfant. Je t’abandonne à ton cas de conscience, ne voulant pas davantage t’influencer afin que tu n’aies ni à le regretter ni à me le reprocher.
    Géraud ne répliqua pas. Il demeura un long moment immobile et le regard perdu en lui-même. Eusèbe avait ébranlé ses vieilles convictions qui ne demandaient qu’à s’effriter. Il se rendit compte qu’il avait toujours donné plus d’importance aux femmes, qu’il n’était de rigueur et de coutume à cette époque et les considérait parfois presque à égalité bien qu’il s’en défende en public. Était-ce une faiblesse de sa part ? Il avait voulu nier ses sentiments, ils lui étaient froidement révélés. Il lui fallait l’admettre. Était-ce aussi le fruit de son éducation avec une mère très présente dans les décisions familiales ?
    Néanmoins, il ne s’agissait ici que d’une gamine, attachante, pétillante, certes, mais…
    Il interrompit sa réflexion, faute d’arguments. Il était las et trop perturbé par le sacrifice de Maline. Il ne parvenait plus à raisonner sainement. Il lui fallait reporter ce débat à plus tard quand il serait reposé car son crâne bosselé restait douloureux et la migraine lancinante.
    Il prit congé d’Eusèbe qui le raccompagna jusqu’à la porte de ses logeurs.
    1 - Laine grossière marron à poil long.

XXII
    — H OLÀ ! P AR D IEU QUE L’ON M’OUVRE enfin cet huis ! Géraud, ne fais pas la sourde oreille, je sais que tu es là, terré dans ton repaire. Voilà trois jours que j’en fais le siège. Répondras-tu avant que j’enfonce cette maudite porte ?
    Pistol frappa encore du plat de la main, tendit l’oreille à travers le panneau.
    — Sous la torture que je lui ai infligée par la question, Eusèbe Renaudot m’a tout raconté… Faudra-t-il que j’alerte le lieutenant général de la police ? Et remue ciel et terre par l’entremise de messieurs Vauban, Colbert et Louvois ? Sinon le roi ?... À moins que je t’abandonne à ton sort, las d’être ignoré par celui qui se disait mon ami ?
    Aucune réaction, puis des glissements à l’intérieur redonnèrent un peu d’espoir au dessinateur qui n’avait aucune envie de mettre ses menaces à exécution. La porte s’entrebâilla. Par l’intervalle, il entr’aperçut une sorte d’ermite hirsute et barbu. Il se détendit, sourit, s’appuya au chambranle avec son allure désinvolte habituelle, mais glissa un pied dans l’ouverture afin de contrer une éventuelle rebuffade.
    — Mon compère ! Quel plaisir de te revoir sain et sauf, malgré les circonstances. À ta mine et à la longueur de ton poil, j’évaluerais la durée de ta retraite à une semaine.
    — Neuf jours. Ta méthode d’introduction ne varie guère.
    Géraud s’écarta et laissa entrer Pistol qui investit le logement d’un regard scrutateur circulaire.
    — Le premier jour, j’ai craint de te déranger en bonne compagnie. Le deuxième, je me suis dit : « Quelle santé ! Mais c’est légitime, il cherche à noyer son chagrin. » Hier soir, je me suis alarmé et suis allé prospecter, puis interroger au Grand-Coq. Et

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