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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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sur ses lèvres.
« Ce glaçon, racontera-t-il, faisait monter mon
haleine jusqu'à mes paupières où elle gelait,
formant autour de chaque cil une espèce de chandelle qui
m'empêchait de voir distinctement. »

    Un général.
épuisé de fatigue, est tombé sur la route. Un
soldat, en passant, commence par lui ôter ses bottes.
L'officier, se soulevant avec peine, le prie d'attendre au moins
qu'il soit mort pour le dépouiller :

    – Mon
général, répond le soldat, je ne demanderais pas
mieux, mais un autre va les prendre. Il vaut autant que ce soit moi.

    Et il continue
paisiblement à déchausser le moribond...

    Plus loin, un
sous-officier couché dans la neige sent qu'on lui enlève
ses bottes.

    – Laissez-moi
mourir en paix...

    – Excusez,
camarade, j'ai cru que vous étiez mort, répond le
voleur.

    Et il passe son
chemin...

    « Cependant,
pour la consolation de l'humanité, précise Raymond de
Fezensac, quelques traits sublimes de dévouement viennent
contraster tant d'égoïsme et d'insensibilité. »
On lui cite le cas d'un tambour du 7e régiment d'infanterie.
Sa femme, cantinière de cette unité, tombe malade au
commencement de la retraite. Le tambour la conduisit tant qu'ils
possédèrent une charrette et un cheval. À
Smolensk, le cheval meurt. Alors le tambour s'attelle lui-même à la charrette et traîne sa femme jusqu'à Vilna.
En arrivant dans cette ville, la malheureuse est trop malade pour
aller plus loin. Son mari ne l'abandonne pas et ils attendront tous
deux l'arrivée des Russes qui les feront prisonniers...

    Une cantinière
du 33e régiment de ligne a accouché en Prusse, avant le
commencement de la campagne. Elle suit jusqu'à Moscou son
régiment avec sa petite fille qui avait six mois au début
de la retraite. L'enfant vécut ensuite d'une manière
miraculeuse, puisque sa mère ne la nourrira plus qu'avec du
boudin de cheval... On l'enveloppait, d'une fourrure prise à
Moscou, mais le plus souvent elle demeurait tête nue. « Deux
fois, nous dit Fezensac, elle fut perdue ; on la retrouva d'abord
dans un champ, puis dans un village brûlé, couchée
sur un matelas. Sa mère passa la Bérézina à
cheval, ayant de l'eau jusqu'au cou, tenant d'une main la bride, et
de l'autre son enfant sur sa tête. Ainsi, par une suite de
prodiges, cette petite fille acheva la retraite sans accidents, et ne
fut pas même enrhumée. »

    Caulaincourt
rencontre à chaque instant des hommes que le froid a saisis.
Ils s'arrêtent et tombent à terre. « Les
aidait-on à marcher, ou plutôt les traînait-on
avec peine ? Ils vous suppliaient de les laisser s'arrêter. Les
déposait-on près d'un bivouac, dès que ces
malheureux s'assoupissaient, ils étaient morts. S'ils
résistaient au sommeil, un autre passant les menait un peu
plus loin, ce qui prolongeait leur agonie pendant quelques instants,
mais ne les sauvait pas, car dans cet état, l'assouplissement
que produit le froid est une puissance à laquelle on ne peut
résister : on s'endort malgré soi et s'endormir, c'est
mourir. J'ai cherché, poursuit le grand écuyer, à
sauver plusieurs de ces malheureux, mais en vain. Ils n'articulaient
quelques mots que pour demander en grâce qu'on les laissât
un peu dormir. À les entendre, ce sommeil devait être
leur salut. Hélas ! C'était le dernier soupir d'un
malheureux, mais ce malheureux cessait de souffrir, sans douleur,
sans agonie. La reconnaissance, le sourire même étaient
empreints sur ses lèvres décolorées. »

    Un détail
horrible nous est donné par les Souvenirs inédits
du sergent Corniquet : bien des survivants marchaient nu-pieds en
s'aidant avec deux morceaux de bois, mais « leurs pieds
étaient tellement gelés qu'ils sonnaient sur la route
comme une paire de sabots... »

    Le capitaine Dupin
dont j'ai pu utiliser la correspondance inédite 25 ,
écrite tout au long de ses nombreuses campagnes, est revenu
miraculeusement sain et sauf dans ses foyers. Or chaque nuit, il se
réveille en sursaut, croyant toujours entendre le martellement
de ses pieds gelés frappant le sol glacé...

    Quand, la nuit
tombée, on s'arrête à la lisière de
quelque bois, ces spectres allument des feux devant lesquels ils
demeurent immobiles. « Ils ne pouvaient se rassasier de
cette chaleur, racontera Ségur, échappé de cet
enfer, ils s'en tenaient si proches que leurs vêtements
brûlaient, ainsi que les parties gelées de leurs corps
que le feu décomposait. Alors, une horrible

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