La campagne de Russie de 1812
l'infanterie commandée par le
duc de Dantzig (Lefebvre). Sa Majesté a été
satisfaite du bon esprit que sa Garde a montré ; elle a
toujours été prête à se porter partout où
les circonstances n'avaient exigé ; mais les circonstances ont
toujours été telles que sa simple présence a
suffi, et qu'elle n'a pas été dans le cas de donner.
« Le
prince de Neufchâtel (Ney), le grand maréchal Duroc, le
grand écuyer (Caulaincourt), et tous les aides de camp et les
officiers militaires de la maison de l'Empereur ont toujours
accompagné Sa Majesté.
« Notre
cavalerie était tellement démontée que l'on a dû
réunir les officiers auxquels il restait un cheval pour en
former quatre compagnies de cent cinquante hommes chacune. Les
généraux y faisaient les fonctions de capitaines, et
les colonels celles de sous-officiers. Cet escadron sacré,
commandé par le général Grouchy, et sous les
ordres du roi de Naples, ne perdait pas de vue l'Empereur dans tous
ses mouvements. »
Le bulletin se
termine, comme bien d'autres communiqués, par ces neuf mots :
« La santé de Sa Majesté n'a jamais été
meilleure. »
Et Chateaubriand
s'exclamera :
– Familles,
séchez vos larmes : Napoléon se pose bien !
*****
Le jeudi 3
décembre, à Molodetschno, on trouve de nombreuses
estafettes venant de Paris et qui avaient été empêchées
de poursuivre leur route. Elles sont porteuses de toute la
correspondance datée du 1er au 19 novembre.
Napoléon
est ainsi mis au courant des détails d'une dramatique affaire,
dont il avait déjà eu brièvement connaissance,
près d'un mois auparavant, le 6 novembre, à
Mikaheliska, trois jours avant d'atteindre Smolensk.
Il s'agit de la
conspiration du général Malet qui avait commencé
à Paris, dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 octobre 1812.
L'Empereur en connaît maintenant tous les faits. Et une
véritable anxiété le ronge. « L'audace
de cette entreprise, dans le lieu du séjour du gouvernement,
nous dit Caulaincourt, le frappa à un point extraordinaire et
il ne fut rassuré sur ses suites et convaincu que l'on tenait
tous les coupables et tous les fils de cette affaire à la
troisième ou quatrième estafette. » Un
complot qui avait bien failli réussir et avait en effet
ébranlé l'Empire.
Abandonnons donc
pour l'instant la horde de la Grande Armée dans cette retraite
devenue une épouvantable déroute – nous la
retrouverons – et revivons ce drame, cette tragi-comédie
plutôt qui, après avoir tenté de renverser le
régime impérial, décidera Napoléon à
abandonner à leur sort les survivants du terrifiant désastre.
La conspiration du général
Malet
Cette nuit du
jeudi 22 au vendredi 23 octobre 1812, il pleuvait sur Paris et il
était 3 heures et demie du matin.
On ne voyait rien
à dix pas. Devant la caserne de la rue Popincourt, dans le
quartier de la Roquette, la sentinelle, tapie au fond de sa guérite,
écoutait la pluie crépiter et, comme tout
fonctionnaire, attendait d'être relevée afin de pouvoir
regagner la salle de garde et le bat-flanc couvert de paille. De
toute façon, monter la garde, même par une pluie
diluvienne et dans la peu réjouissante rue Popincourt, valait
cent fois mieux que d'hiverner, comme bien des camarades, quelque
part en Russie.
On était
assurément mieux rue Popincourt !
Soudain à
travers le rideau de pluie, le factionnaire distingua trois ombres
qui s avançaient vers lui.
– Halte-là
!
Les ombres
s'arrêtèrent.
– Qui vive ?
– Conspiration
!
C'était en
effet, le mot d'ordre pour cette nuit du 22 au 23 octobre, un mot
d'ordre d'autant plus savoureux que les trois hommes ruisselants qui
venaient de s'arrêter devant le 51 de la rue Popincourt avaient
formé le projet, à eux trois, de renverser cette
nuit-là l'Empire français.
L'un était
un caporal de la garde de Paris. Il se nommait Jean-Auguste Rateau,
avait obtenu la .permission de la nuit et arborait pour la
circonstance l'uniforme d'aide de camp. Le deuxième, André
Boutreux, bachelier en droit, venu de Rennes à Paris pour
« faire fortune dans la poésie »,
pensait que tous les chemins mènent aux muses et jouait dans
l'affaire le rôle de commissaire de police. Le troisième,
le chef de l'opération, était âgé de
cinquante-huit ans, possédait un visage rond, des cheveux
châtains, arborait un teint jaune et portait un uniforme de
général de division. En réalité, il
n'était que général de
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