La campagne de Russie de 1812
général Malet,
annonçant la mort de l'Empereur.
– Le Sénat,
assemblé hier au soir, a aboli le gouvernement impérial,
et je suis chargé de vous remplacer. J'ai même un devoir
pénible à remplir, c'est de vous mettre provisoirement
en état d'arrestation et d apposez les scellés sur vos
papiers.
Hulin fronce les
sourcils, toise ce général inconnu avec méfiance.
Semblant répondre à ses pensées, une petite voix
jaillit des couvertures. C'est Mme Hulin qui se mêle à
la conversation :
– Mais, mon
ami, si Monsieur doit vous remplacer, il doit avoir des ordres à
vous communiquer.
– En effet,
s'exclame Hulin, en effet... Monsieur, je demande à voir vos
ordres.
– Bien
volontiers, général, reprend Malet. Passons dans votre
cabinet.
Arrivé dans
le bureau – ce bureau que Malet espère bien occuper
d'ici peu – le conspirateur sort de sa poche un pistolet et
tire sur Hulin, en lui disant, comme dans un bon mélodrame :
– Mes ordres
? Les voilà !
Hulin s'écroule,
grièvement blessé à la mâchoire. Il en
réchappera, mais l'on ne pourra jamais extraire le projectile
et les Parisiens ne l'appelleront plus désormais que le
général Bouffe-la-Balle. Tandis que Mme Hulin pousse
des hurlements qui s'entendent d'un bout à l'autre de la place
Vendôme, Malet se rend chez le chef d'état-major, le
colonel Doucet. Il y trouve le commandant Laborde, adjudant de la
place. Les deux hommes – ce sont des policiers revêtus de
l'habit militaire – viennent de regarder attentivement les
ordres qui leur ont été remis par un lieutenant de la
10e cohorte. En voyant le nom du général Malet, Laborde
sursaute. Il connaît le personnage ! Il ne peut s'agir que
d'une conspiration. Aussi, lorsque le général entre
dans le bureau en annonçant qu'il prend le commandement de la
1ère division militaire, Doucet, sans se laisser
impressionner, répond-il calmement :
– Je n'obéis
qu'aux ordres du gouvernement légitime – ordres signés
des autorités supérieures et dont les signatures me
sont bien connues ; si les vôtres étaient tels, vous me
trouveriez prêt à y obéir.
Au lieu d'ordonner
à Rateau d'aller chercher une poignée de soldats de la
cohorte, Malet préfère discuter :
– Mes ordres
sont signés de moi, ils doivent vous suffire. J'en suis
responsable. Si vous n'obéissez pas, vous ne savez pas à
quoi vous vous exposez ; il vous arrivera malheur.
Doucet demeure
imperturbable.
– Obéissez,
vous dis-je !
– Jamais !
Malet sort son
pistolet, mais Laborde a foncé sur lui, tandis que Doucet le
jette à terre.
– Dragons, à
nous ! crie Laborde dans l'escalier. On veut assassiner votre chef
d'état-major.
Tandis que le
caporal disparaît, les cavaliers envahissent le bureau et
ligotent le général. À cet instant, un homme
pousse la porte, regarde la scène, ahuri.
– Que
voulez-vous ?
– Un
renseignement touchant l'un de mes parents qui...
On lui fait
comprendre que « ce n'était pas le moment ».
L'homme salue et disparaît. C'était l'abbé Lafon.
On ne le verra reparaître qu'au retour des Bourbons...
Une minute plus
tard, Laborde surgit sur le balcon de la place. Des détachements
de toutes les troupes de la garnison sont venus là massés
sur les ordres de Malet. D'une bourrade, l'officier d'état-major
pousse Malet au premier rang.
– Soldats !
crie Doucet, votre Empereur n'est pas mort. Vous êtes dupes
d'une fable ridicule. L'homme que nous venons d'arrêter n'est
qu'un imposteur...
Un immense cri de
« Vive l'Empereur ! » l'interrompt.
Malet ligoté,
Lahorie et Guidal arrêtés, Boutreux et Lafon en fuite,
Rateau rentré à sa caserne, la conspiration, bien que
décapitée, ne s'en poursuivait pas moins avec entrain.
Les troupes mises en mouvement par Malet continuaient d'agir et il
s'ensuivra une série de quiproquos qui feront glisser
l'affaire vers la farce.
Mais Napoléon,
lui, ne rira pas...
On avait pu voir
Laborde accourir à la préfecture de police pour
détromper les hommes de la 10e cohorte, se faire arrêter
par l'officier de garde comme « hors-la-loi »,
et, traîner à l'état-major de la place Vendôme
où il fit « une entrée très
remarquée »... On eut bien du mal à
retrouver Savary, « égaré » dans
l'une des prisons de Paris. Mais le plus pittoresque fut assurément
le retour du baron Pasquier à sa préfecture. Les
soldats de garde crurent qu'il s'était évadé et
voulurent l'arrêter à
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