La campagne de Russie de 1812
et
Guidal, ainsi que le Corse Boccheciampe.
Bault, hésite.
Il n'a pas l'habitude d'obéir à un ordre daté du
« quartier général de la place Vendôme »
: il dépend du ministère de la Police.
– Sur votre
tête, crie Malet, faites sortir ces prisonniers sur-le-champ !
– Permettez
que j'aille en parler à M. le Préfet de police.
Cette fois, c'est
Boutreux qui intervient :
– Le
ministre est suspendu, il n'y a plus de préfet. L'Empereur est
mort.
Bault hésite
toujours. Malet se tourne vers la cohorte :
– Soldats,
agissez ! Vous avez des ordres : ils sont hors la loi. Faites-les
agir et pas de retard !
Cette fois, le
concierge s'incline et, quelques instants plus tard, les deux
généraux abasourdis, ne comprenant rien à cette
libération subite, apparaissent au greffe et se trouvent mis
en présence de Malet. Celui-ci se précipite dans les
bras de Lahorie qu'il n'a pas vu depuis dix-huit ans et se fait
présenter Guidal qu'il ne connaît pas. Malet les met au
courant et, la première surprise passée, leur annonce
qu'ils ont l'ordre d'arrêter le ministre Savary, le préfet
Pasquier, le chef de la Sûreté Desmarets, le prince
archichancelier Cambacérès et le ministre de la Guerre
Clarke. Guidal et Lahorie ne semblent pas le moins du monde effrayés.
La mort de Napoléon les tire de prison et il est tout naturel
que le nouveau gouvernement – ne sont-ils pas des ennemis du
régime ? – les emploie sans tarder. Et puis, on en avait
tant vu depuis 1792 !
– J'ai cru
revoir un 18 Brumaire, dira Lahorie, et j'ai suivi Malet comme
j'avais suivi Bonaparte.
Tout à
coup, entre au greffe un personnage totalement ahuri : c'est le
Corse Bocchecciampe. Sa libération interrompt le travail
auquel il se livrait : La liste alphabétique des synonymes
employés par les poètes italiens pour exprimer les noms
des dieux, des déesses, du ciel et de la terre ... Il est
consolé par Malet qui le nomme préfet de la Seine.
Tandis que le chef
de la conspiration se rend à l'état-major, Lahorie,
accompagné de Boutreux et suivi d'une soixantaine d'hommes,
arrive à la préfecture de police, alors située
rue de Jérusalem, ruelle sordide de l'île de la Cité.
En dépit de l'heure matinale, le préfet, M. le baron
Pasquier, est déjà au travail. Soudain, il voit
s'encadrer, dans la porte de son cabinet, Lahorie en civil, le
chapeau sur la tête, toujours flanqué de Boutreux ceint
de son écharpe. Le général n'y va point par
quatre chemins :
– L'Empereur
est mort. Vous n'êtes plus préfet. Je vous arrête.
Livide, le cœur
battant à grands coups, le baron a du mal à reprendre
ses esprits. Il essaye bien de lire les pièces que lui tend
son visiteur, mais, selon son propre aveu, « un malheureux
vertige lui brouille le jugement ».
– Voilà
votre successeur, reprend Lahorie en poussant Boutreux vers le
préfet.
Pasquier se lève
précipitamment et, « avec grâce »,
laisse son fauteuil au poète-bachelier, simple commissaire de
police à 4 heures du matin et chef de la police parisienne à
7. Assez confus, Boutreux s'assied, tandis que Lahorie, sur une
feuille de papier à en-tête de la préfecture,
donne l'ordre d'incarcérer le préfet à la prison
de la Force. On appelle un sous-lieutenant de la cohorte et on lui
confie le prisonnier. Avant de quitter son bureau, Pasquier salue
profondément son successeur et le général, puis
demande qu'on veuille bien le conduire chez l'apothicaire voisin
« afin d'avaler quelque médicament qui le puisse
réconforter ». Arrivé au greffe de la
prison, il sera tout ébahi de trouver le célèbre
policier Desmarets, chef de la Sûreté, qu'un officier de
la cohorte a arrêté tout aussi facilement.
– Que se
passe-t-il ? demande le policier en latin.
– Je ne sais
pas, murmure Pasquier, mais certainement quelque chose de bien
étrange.
Lahorie, après
avoir laissé Boutreux en tête à tête avec
sa nouvelle grandeur, est parti pour le ministère de la Police
générale où l'attendent Guidal, le capitaine
Piquerel et le gros des forces de la caserne Popincourt. Le cabinet
de Savary, duc de Rovigo, est fermé. On cogne et c'est Son
Excellence qui vient ouvrir elle-même en chemise de nuit.
– Tu es
arrêté, lui déclare Lahorie. Félicite-toi
d'être tombé entre mes mains, il ne t'arrivera pas de
mal.
Et, devant la
stupéfaction du ministre, il ajoute, tout en s'asseyant pour
rédiger un ordre d'écrou :
–
Weitere Kostenlose Bücher