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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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que le précédent, partage
tout ce qu’il a. Nous festoyons et buvons ce vin généreux, à la robe et au goût
uniques.
    En quittant cet ami, je crois que nous allons continuer
directement notre route en longeant la Loire. Mais Beauceron insiste pour aller
saluer un coterie spécialiste de l’escalier.
    — Tu vas voir un travail magnifique, gamin, ça vaut le
tout petit détour.
    — Où se trouve ton escalier ?
    — À deux pas. Trois tout petits kilomètres. Je pense
pouvoir repérer la maison bourgeoise où il travaille. Allez ! Viens mon
drôle.
    Bien évidemment la vue d’un bel escalier en bois me tente,
mais je voudrais tant arriver à Saumur. Pour ne pas fâcher mon gros Ours,
j’accepte et nous repartons.
    Nos pas réguliers, nos longues enjambées, nous amènent en
peu de temps à Saint-Nicolas-de-Bourgueil ; un petit village tassé sur lui-même
autour d’une large place. Beauceron, d’un coup d’œil, repère l’auberge vers
laquelle il m’entraîne presque de force.
    — Mais ce n’est pas là ton escalier ?
    — Non, mais par cette chaleur, on transpire et
l’intérieur de la bouche se dessèche comme la pierre. Entrons.
    La porte franchie, nous voyons que la salle est occupée par
des tables collées les unes aux autres en forme d’U. Des quantités de convives
y festoient. Les conversations vont bon train. Les fleurs qui garnissent les
tables me font comprendre que nous arrivons en pleine noce. Dans un coin sur
une petite estrade, trois violoneux grattent leurs archets et un cornemuseur
souffle dans son tuyau porte-vent. Au centre de la pièce, des jeunes gars
solides aux visages réjouis dansent avec de belles filles portant sur la tête
une coiffe à fond plat ornée de broderies. On dirait des abeilles sorties d’une
ruche libérée à la naissance du printemps.
    En voyant arriver Beauceron, canne en main, baluchon sur le
dos et portant notre sac à outils, un homme grand, aux cheveux blancs dominant
une figure rouge, vient à sa rencontre :
    — Je suis heureux de saluer des compagnons
charpentiers. Entrez donc et joignez-vous à nous. Aujourd’hui je marie ma fille
à un de nos frères qui vient de terminer un escalier digne d’un chef-d’œuvre.
    — Nom de Dieu, éclate Beauceron. C’est Bourbonnais dit
Bon Ami ton gendre ?
    — Diantre oui, mon coterie et je n’ai pas à m’en
plaindre. Mais viens, avec ton louveteau, t’asseoir. Une collation ça ne se
refuse pas. Les jeunes mariés se sont absentés un moment. C’est bien normal.
    Il éclate de rire et nous accompagne à la table du centre.
Nous prenons place à ses côtés.
    — Ça alors ! ça m’en bouche un coin. Je venais
pour le voir et montrer au drôle un travail sûrement magnifique.
    — Bourbonnais séjourne ici depuis trois mois. Je l’ai
engagé à Tours par l’enrôleur de la Cayenne. Je suis singe ici depuis quarante
ans. J’ai fait ma pelote. Je possède un peu de terre au soleil et de bonnes
vignes. Dès qu’ils se sont vus, ma fille et lui, ça a fait l’effet d’une amorce
qui pète sur une charge de poudre ; mais ça n’empêchait pas le gars d’être
sérieux et de faire un travail rapide et bien fini. Alors j’ai réfléchi et
parlé à chacun d’eux. Et voilà ! aujourd’hui le jour de leurs noces. Mais
attends. Les voilà qui reviennent.
    Bourbonnais dit Bon Ami reconnaît Beauceron. Ils tombent
dans les bras l’un de l’autre et se donnent une généreuse accolade.
    — C’est gentil, dit le marié, de venir ce jour. Tiens,
je te présente ma femme Georgette.
    — Qu’elle est jolie ! s’exclame Beauceron. T’as
épousé la plus belle fille du village. Et vous, vous n’avez pas fait une
mauvaise affaire. Bourbonnais est une perle, un homme de grand cœur et de
grande vertu.
    Par la porte donnant sur la rue entrent d’autres compagnons
ayant eu vent de la présence de l’Ours. Mon coterie nage dans le bonheur. Le
père de la mariée vient nous rejoindre et, d’un ton aimable mais sans réplique,
nous dit :
    — Vous resterez ce soir au dîner et vous vous
installerez à mes côtés.
    Moi je suis heureux ; mais au fond de mon cœur je
regrette de ne pas être sur la route de Saumur. Tant pis. Il serait mal venu de
partir seul. Je n’ai jamais assisté à un repas de noces. Je découvre une
famille aisée qui met facilement les petits plats dans les grands. Mon estomac
ne risque pas de crier famine ; et puis je vois dans la société de

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