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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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entre mes dents. Les doigts de Bernadette ne pianotent plus ;
ils me caressent si doucement que je bondis hors de mon coin.
    — Mais, ce serait-y la première fois pour tout ?
demande-t-elle en glissant vers moi un regard de biche.
    J’avale ma salive et pique un fard.
    — Toi, tu viens voir les femmes pour la première fois.
Tu sais, ou plutôt tu ne sais pas, que tu portes bonheur à celle qui va te
faire sauter ton pucelage, mon chéri… il me tarde de me blottir dans tes bras,
tout entière. Je m’absente une minute pour prendre le nécessaire…
    Pendant qu’elle sautille joyeusement, j’ai envie de
m’éclipser, tellement j’ai honte. Il me semble apercevoir des ouvriers du
chantier qui franchissent l’entrée. Que penserait papa Rabier de ma situation,
lui qui a si confiance en moi ? Au moment où je me lève, Bernadette
revient portant un linge blanc dans la main.
    — Voilà, me dit-elle en se plantant devant moi, j’ai
tout ce qu’il nous faut. Viens ! Suis-moi, mon chéri.
    Me tenant par la main, elle m’entraîne comme un mannequin.
Je réalise la différence de nos tailles. Vingt Dieux ! sa tête arrive au
niveau de mon biceps. En haut de l’escalier, nous empruntons un couloir
desservant une rangée de portes de chaque côté. Ça pue l’eau de Javel. En
passant j’entends des cris, des gros soupirs, des jurons, des rires… Bernadette
prend une clef dans le linge, la tourne dans une serrure, me pousse à
l’intérieur et referme. Aussitôt elle craque une allumette ; la mèche de
la chandelle brille. Moi je reste debout comme un niais, les bras ballants. La
fille vient se frotter contre moi en me disant :
    — Un franc pour Madame Madeleine, cinq sous pour le
gant et pour moi ce sera à ton bon cœur, mon grand chéri.
    Je me doute qu’il faut payer ; mais je n’ai rien
compris à cette énumération diabolique. Ma main rencontre dans ma poche trois
pièces de vingt sous. Bernadette les happe littéralement. Sans dire merci, elle
me commande :
    — Déshabille-toi.
    Elle-même retire son espèce de tutu, sa culotte, son
soutien-gorge et… la voilà en tenue d’Eve, souriante et câline.
    — Je vais t’aider mon petit bonhomme.
    Elle pose mes vêtements sur une chaise bancale. Je suis nu
comme un ver. Elle s’allonge sur le lit les jambes écartées. J’observe ce
triangle poilu entre ses cuisses, ses seins petits aux bouts roses.
    — Prends ton temps mon chérubin, je vais te faire jouir
avec mes doigts et ma bouche.
    Les doigts ! je connais les miens ; mais la bouche
c’est nouveau pour moi. Je perds la notion des choses. À peine la fille
a-t-elle débuté son numéro que je ne peux me retenir. Elle reste en place
ingurgitant mon abandon. Puis elle se lève, va boire un verre d’eau et revient
toute câline.
    — Alors tu n’as plus peur, tu vois ce n’est rien, je
vais te laver.
    Elle bondit sur la serviette, la trempe dans l’eau et me
lave consciencieusement. Je ne peux attribuer le nouveau résultat qu’à ses
gestes doux ou à la froideur de l’eau. Je me retrouve dans le même état au bout
de deux minutes. Alors Bernadette me montre une espèce de doigt [14] en soie qu’elle enfile sur mon pieu.
    — Obligatoire, mon poussin. Comme cela ni toi ni moi ne
risquons une sale maladie. J’en ai demandé un grand à Madame Madeleine, parce
que je me doutais de ce que j’allais trouver. Mets-toi sur moi, on va s’aimer.
    La première fois, on a de la peine à réaliser ce qui arrive.
Mais l’instinct animal demeurant au fond de chaque homme, les gestes inconnus
viennent d’eux-mêmes.
    En sortant mon pieu, je constate qu’il se trouve dépouillé
de sa protection. Bernadette l’a ressenti sûrement bien avant, entre deux
soupirs de convenance. Debout devant moi, sans gêne aucune, Bernadette extirpe
ce que j’avais oublié.
    — C’était bon, mon lapin ?… tu reviendras me
voir ? Je t’apprendrai tout ce qu’un homme doit savoir pour rendre une
femme heureuse. Tu es fort comme un cheval. Tu en as fait éclater le doigt.
    Et, pendant que, les jambes écartées, assise sur une espèce
de cuvette reposant sur un trépied de fer, elle se lave, je me précipite sur
mes vêtements. Rapidement je me retrouve habillé. Sans dire au revoir je dévale
l’escalier, gagnant la rue par le couloir. Un coup d’œil à droite puis un à
gauche, m’assurent que personne ne m’a vu sortir de cet endroit.
    Je repasse devant chez la Marianne qui

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