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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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doit dormir en
serrant très fort son petit oreiller.
    Sur les ponts, le brouillard rend opaque tout ce qu’il
enveloppe. Je regagne ma chambre et mon lit de solitaire. J’éprouve un certain
dégoût de moi-même après la réalisation de la promesse que je m’étais
faite : « apprendre la femme ». En réalité, la leçon ne m’a
apporté qu’un délassement physique… mais rien d’autre. J’en connais l’anatomie
sensiblement semblable à celle des vaches ou des chiennes de Saint-Aignan. Dire
que, pour cette fente, les hommes font des folies ! Ils en rient, s’en
moquent, la traitent comme un objet presque répugnant pour finalement en
éprouver toujours le même désir et se glorifier de leurs ébats. Le sexe de la
femme représente-t-il un outil indispensable à la vie et doit-on aussi aimer
toutes les autres parties de son corps ? La fille de ce soir ressemble à
toutes les autres physiquement. Pourtant je ne puis imaginer que ma mère soit
fabriquée ainsi… mais la logique pourrait m’inspirer le contraire. Pourquoi
ai-je besoin de faire tout de suite un cas à part ? Peut-être est-ce parce
que je l’aime tout simplement sans arrière-pensée, sans chercher d’autres
mystères que de me blottir contre elle dans sa chaleur, dans son odeur, dans
ses gestes protecteurs. Ce soir je me suis comporté comme une bête craintive,
mais prenant sa part du butin qu’elle payait pour voir, pour découvrir ce qu’on
lui exposait. Je pense à Marianne, ce petit bout de femme, ainsi qu’à
Beauceron, cette force de la nature, et, je n’ai pas l’impression que leur
solitude à deux ne soit faite que de cela. Il y a donc sûrement une deuxième dimension
entre les rapports hommes-femmes ; sans cela, la vie ne vaudrait pas la
peine d’être vécue. En réunissant le sentiment Amour et l’amour physique on
doit obtenir un ensemble sans doute bien agréable. Je garde rancune à cette
putain de porter le même prénom que la jeune fille de Brain-sur-Allonnes. Tout
ceci restera entre moi et moi. Mon expérience de ce soir demeure une simple
prise de contact dont instinctivement je voudrais me dégager lorsqu’il en est
encore temps ; mais par contre tout me pousse déjà à continuer, à
recommencer, à parfaire. Un homme n’est qu’une bête pensante…

 
IV
    Les jours et les mois passent, très occupés par les milliers
de travaux qu’exige un chantier en voie de finition. Papa Rabier porte toute
son attention sur des détails multiples, tous plus importants les uns que les
autres.
    J’ai écrit à ma mère pour lui annoncer ma réussite. Presque
par retour du courrier, elle me répond par des mots très doux et élogieux.
    Beauceron m’expédie une lettre de La Rochelle, qu’il va quitter
pour Rochefort. Je relève juste la mention : N’en parle pas à Marianne, je
verrai plus tard. Hors cela, son style est merveilleux de vie et très imagé.
J’ai l’impression que nous allons tous nous retrouver du côté de Bordeaux dans
quelques mois.
    Rabier me reparle de sa recommandation auprès de Berthomieu.
Lorsque j’aurai trimardé un peu, je me présenterai à lui. Fives-Lille nous
livre les « rails Vignobles », les tire-fond. Les tabliers sont déjà
installés. Après la réception des travaux par les ingénieurs de la compagnie,
les trains rouleront à bonne vitesse transportant passagers et marchandises.
    Je dîne une dernière fois avec Rabier. Demain je prends la
route en direction de Nantes. Mon cœur est gros de laisser un homme que j’aime.
Lâchement je ne passe pas voir Marianne pour lui dire au revoir.
    J’ai refusé la Conduite, car mes amis sont presque tous
partis, à part L’Angoumois. La veille nous allons vider quelques litres
ensemble, histoire de se séparer « compagnonniquement ».
    De grands platanes forment une voûte et ombragent la belle
route que je parcours avec une certaine fierté, heureux de me retrouver seul
tandis que le sel de l’aventure me pique les lèvres. Je me dirige donc vers
l’Ouest par le chemin que je m’étais souvent promis d’emprunter lorsque je
roulais sur l’autre rive en diligence. Après Saint-Florent, Saint-Hilaire, je
m’arrête un moment à Chènehutte-les-Tuffeaux pour visiter l’église romane, et
suis surpris de descendre plusieurs marches d’un large escalier pour me trouver
dans la nef principale. En sortant, j’entre dans une auberge. J’ai décidé de ne
faire qu’un repas et demi par jour, de façon à

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