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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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du
commerce et de l’industrie bordelais pour le développement de l’économie
girondine, dans l’intérêt général. On y enseigne la fiscalité, les règles
douanières, les langues étrangères, le dessin, la mécanique, les machines fixes
à vapeur, l’architecture, les sciences concernant les métaux et, par voie de
conséquence, le travail et l’utilisation de la pierre et du bois. Le 20 juin
1869, les notoriétés en posèrent la première pierre. En 1874, l’école
fonctionnait. Auparavant elle partageait les locaux du Muséum d’Histoire
naturelle [26] .
    J’ai quelques économies. Monsieur Rabier m’a remis une
enveloppe avant mon départ. Le contenu de celle-ci me permet de renouveler ma
garde-robe, d’envoyer un mandat à ma mère et de m’inscrire à l’école.
    Rue Serpolet une jeune femme m’accueille. Blonde comme les
blés, ressemblant un peu à Léontine, souriante, elle me montre ma chambre. Pour
la première fois, je peux profiter d’un vrai cabinet de toilette, réalisation
d’un rêve de bourgeois. Mes yeux caressent tour à tour des objets en
porcelaine, une glace, une pendule et ses candélabres pour la cheminée, un
grand lit, deux armoires, des gros doubles rideaux damassés rouges qui doivent
bien cacher la lumière de l’aube… bref, bien plus que j’en ai jamais eus.
    — J’espère que vous vous trouverez bien, Monsieur, me
dit Cécile Fourneau. N’hésitez pas à me réclamer ce que j’aurais pu oublier. Ma
bonne fera votre chambre et s’occupera de votre linge.
    Je suis le roi de Bordeaux. Je n’ose y croire. Puis elle
ajoute :
    — La cuisinière préparera votre repas du soir que nous
prendrons ensemble, dans la salle à manger. Je sais que vous avez bon
appétit ; mais ne craignez rien ; vous aurez à votre convenance.
    Cécile, comme je l’ai appris, a perdu son fiancé pendant la
guerre, à Gravelotte, dans cet horrible combat resté à jamais dans la mémoire
de beaucoup d’hommes. Elle ne porte plus le deuil, s’habille avec goût et même
recherche. De temps à autre, au dîner, elle parle de sa cousine et de papa
Rabier qu’elle nomme par son prénom : Gustave. Je savoure l’excellente
nourriture et le bon vin. Le soir nous passons un moment au salon où elle se
met au piano. Je découvre la demeure des riches qui n’ont pas besoin de
travailler et mangent toujours à leur faim. Hélas ! je pense à ma mère,
mes frères et sœurs qui, ne pouvant partager ce confort, possèdent, j’espère,
le strict nécessaire. Je leur écris plus souvent. J’envoie aussi quelques
lettres aux Rabier pour les tenir au courant de mes études et les remercier
filialement.
    En suivant les cours très intéressants, je découvre le
nombre de matières à apprendre afin de devenir un singe digne de ses fonctions.
Je souffre du manque de camarades, car ici les élèves sont de familles riches
et bourgeoises. Mes moyens ne me permettent pas de les fréquenter. Tous les
mois papa Rabier m’adresse un mandat suffisant pour pallier mes modestes
dépenses. Cécile me conseille en littérature. Je profite de sa bibliothèque
dans le salon. Ainsi peu à peu mon instruction générale se bâtit. En lisant les
journaux, j’apprends que la liberté syndicale a été votée. L’Angoumois doit
jubiler. La Chambre rétablit le divorce, en juillet 84 ; ce qui crée, bien
évidemment, une zizanie entre les partisans et les antis. Cécile, elle,
s’oppose catégoriquement à ces deux mesures, comme je m’y attendais. Elle
prononce des mots durs envers les députés qui ont approuvé ces textes.
    Je quitte mon cocon douillet pour retourner au chantier.
L’école prend ses vacances. Je retrouve mes amis et papa Rabier avec grand
plaisir. Au pont, les monteurs sont à pied d’œuvre. Les marteaux résonnent, les
riveurs travaillent pièce par pièce. Beauceron, de plus en plus sage, affiche
le bonheur. Les ingénieurs et moi travaillons plus de douze heures par jour à
préparer l’emplacement des treuils pour le « lançage ». La première
travée achevée, on en commence une autre à l’arrière et ainsi nous avançons
progressivement jusqu’à la première pile. Il en sera ainsi jusqu’au milieu.
Puis un jour les deux parties, droite et gauche, seront soudées pour toujours.
    En octobre les mineurs d’Anzin se mettent en grève. Toute la
presse s’en fait l’écho. Quarante mille hommes ont quitté la mine. Cela durera
quarante-six-jours.
    En début

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