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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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que les autres, et je ne me soucie pas de définir ma position. Je suis de ceux qui aiment à lancer des pierres aux maisons de verre des voisins ; je n’ai donc garde de m’en élever une pour la faire lapider.
    – C’est bien de lui ! vous n’en tirerez rien ; il vous échappera toujours, dit Marie ; et je crois, ma parole, que c’est son peu de religion qui lui fait prendre tous ces faux fuyants.
    – Religion ! dit Saint-Clair d’un ton qui fit lever les yeux aux deux dames. Appelez-vous religion ce qu’on vous prêche à l’église ? Appelez-vous religion ce qui peut se courber, se tourner, descendre, monter, pour justifier chaque phase tortue d’une société égoïste et mondaine ? Est-ce la religion qui est moins généreuse, moins juste, moins scrupuleuse, moins tolérante, que ma nature profane, aveugle et terre à terre ? Non ; si je cherchais une religion, je regarderais au-dessus de moi, jamais au-dessous.
    – Vous ne croyez donc pas que la Bible justifie l’esclavage ? demanda miss Ophélia.
    – La Bible était le livre de ma mère, répondit Saint- Clair ; il l’aidait à vivre ; il l’a aidée à mourir : Dieu me préserve de croire qu’il justifie l’esclavage ! J’aimerais autant qu’on voulût me prouver que ma mère buvait de l’eau-de-vie, mâchait du tabac et jurait, pour me convaincre que j’ai raison d’en faire autant. Je n’en serais pas plus content de moi-même, et j’y perdrais la consolation de la respecter. Et c’est une grande consolation en ce monde que d’avoir quelque chose à respecter ! Bref, vous le voyez, dit-il en reprenant tout d’un coup sa gaieté ; tout ce que je veux, c’est que chaque chose reste à sa place, en son casier. Le cadre de la société en Europe, comme en Amérique, se compose d’une infinité d’éléments qui ne soutiendraient pas l’examen d’une moralité scrupuleuse ; ce qui prouve que les hommes ne peuvent aspirer au bien absolu, mais seulement suivre de leur mieux la route battue. Maintenant si un homme vient me dire : « L’esclavage nous est nécessaire, nous ne pouvons vivre sans lui ; si nous l’abolissons, nous sommes réduits à la mendicité, et nous prétendons le garder. » C’est là un langage clair, net et fort ; il a du moins pour lui le mérite de la vérité ; et si nous en jugeons par l’expérience, la majorité le soutiendra. Mais si un homme, au contraire, prenant une mine hypocrite, s’en vient d’un ton cafard me citer l’Écriture, je le soupçonne aussitôt de n’être pas à beaucoup près aussi saint qu’il voudrait le paraître.
    – Vous êtes bien peu charitable ! s’écria Marie.
    – Supposons un moment, dit Saint-Clair, qu’un événement imprévu fasse baisser le coton tout d’un coup et pour toujours, et réduise à rien sur le marché la valeur des esclaves. Ne pensez-vous pas que nous aurions aussitôt une autre version de la sainte Écriture ? Quels flots de lumière inonderaient l’Église ! Combien vite ne découvrirait-on pas que la raison et la Bible sont de l’autre bord !
    – En tous cas, répondit Marie, se renversant sur le sofa, je rends grâce au ciel d’être née dans un pays où l’esclavage existe ; je le crois bon et permis ; je sens qu’il doit l’être ; et quoi qu’il arrive, je ne m’en saurais passer.
    – Et toi, qu’en penses-tu, Minette, dit Saint-Clair à Éva, qui entrait en ce moment une fleur à la main.
    – De quoi, papa ?
    – Qu’aimerais-tu mieux, vivre comme on vit chez ton oncle, là-haut, dans le Vermont, ou bien dans une maison pleine de domestiques comme la nôtre ?
    – Oh ! notre maison est la plus agréable, à coup sûr.
    – Et pourquoi ? lui demanda Saint-Clair en lui caressant la tête.
    – Parce que cela fait autour de soi tant de gens de plus à aimer ! n’est-ce pas ? dit Éva le regardant avec ardeur.
    – C’est bien tout juste, Éva, s’écria Marie. Une de ses idées baroques !
    – Est-ce que c’est baroque, papa ? murmura Éva comme elle grimpait sur ses genoux.
    – Peut-être, selon ce monde, Minette, répondit Saint-Clair. Mais, où était ma petite Éva pendant tout le dîner ?
    – J’étais là-haut, dans la chambre de Tom, à l’écouter chanter : tante Dînah m’y a porté mon dîner.
    – Ah ! – à écouter chanter Tom ?
    – Oh oui ! il chante de si belles choses sur la Nouvelle-Jérusalem, sur les anges, sur la terre de

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