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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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cuisson des galettes, de la volaille, du jambon et des entremets du souper, Georges et Éliza, les bras enlacés, assis dans leur petite chambre, s’entretenaient comme le peuvent faire un mari et une femme, à la veille d’une séparation peut-être éternelle.
    « Éliza, dit Georges, les gens qui ont des amis, des maisons, des terres, de l’argent, et tout à souhait, ne peuvent s’aimer comme nous nous aimons, nous autres, qui n’avons au monde que nous. Avant que je te connusse, Éliza, personne ne m’avait aimé que ma malheureuse mère, au cœur brisé, et ma sœur. Je vis Émilie le matin même où le marchand l’emmenait. Elle vint dans le coin où j’étais couché, et dit : « Pauvre Georges ! ta dernière amie s’en va. Que vas-tu devenir, pauvre garçon ! » Je me levai, je jetai mes deux bras autour d’elle. Je criais, je sanglotais : elle pleurait aussi. Ce furent les seules paroles affectueuses que j’entendis pendant dix longues années. Aussi mon cœur était-il desséché et réduit en cendres quand je te rencontrai. Me sentir aimé, – oh ! c’était presque ressusciter d’entre les morts. J’ai été un nouvel homme depuis : et maintenant on ne t’enlèvera à moi qu’avec la dernière goutte de mon sang. Pour l’avoir il faudra marcher sur mon cadavre.
    – Le Seigneur aie pitié de nous ! dit Éliza toute en larmes. Qu’il nous permette seulement de sortir de ce pays ensemble, et je ne lui demande plus rien.
    – Dieu est-il donc de leur côté ? murmura Georges, donnant cours à l’amertume de ses pensées plutôt qu’il ne répondait à sa femme. Voit-il tout ce qu’ils font ? Pourquoi laisse-t-il arriver ces choses ? Ils nous disent que la Bible est pour eux : certes, ils ont le pouvoir ! Ils sont riches, bien portants, heureux : ils sont membres des églises, et comptent sur le ciel : leur vie coule facile en ce monde. Tout leur vient à souhait ! Et de pauvres, honnêtes, fidèles chrétiens, – aussi bons, ou meilleurs chrétiens qu’eux, – sont couchés dans la fange sous leurs pieds ! ils les achètent ; ils les vendent ; ils trafiquent de leur sang, de leur cœur, de leurs gémissements, de leurs larmes, – et Dieu le permet !
    – Ami Georges, dit Siméon, de la pièce voisine, écoute ce psaume, il te fera du bien. » Georges approcha sa chaise de la porte ; Éliza essuya ses pleurs, et tous deux prêtèrent l’oreille. Siméon lisait :
    « Quant à moi, mes pieds m’ont presque manqué, et il s’en est peu fallu que mes pas n’aient glissé.
    « Car j’ai porté envie aux insensés, en voyant la prospérité des méchants.
    « Lorsque les hommes sont en travail, ils n’y sont point ; ils ne sont point frappés avec les autres hommes.
    « C’est pourquoi l’orgueil les environne comme un collier, et la violence les recouvre comme un vêtement.
    « Leurs yeux sont bouffis de graisse ; ils ont plus que leur cœur ne désire.
    « Ils sont dissolus et parlent malicieusement d’opprimer ; ils parlent avec hauteur.
    « Ils portent leur bouche jusqu’au ciel, et leur langue parcourt la terre.
    « C’est pourquoi son peuple en revient à ceci, quand on lui fait boire en abondance les eaux de l’affliction.
    « Et il dit : comment le Dieu Fort connaîtrait-il, et comment y aurait-il de la connaissance dans le Très-Haut ? »
    – N’est-ce pas là ce que tu sens, Georges ?
    – Oui, en vérité, répondit-il ; ce sont mes pensées, comme si je les eusse écrites.
    – Eh bien, écoute encore, dit Siméon.
    « Toutefois j’ai tâché de connaître ; mais cela m’a paru fort difficile :
    « Jusqu’à ce que je sois entré aux sanctuaires du Dieu Fort, et que j’aie considéré la fin de ces gens là.
    « Quoi qu’il en soit, tu les as mis en des lieux glissants ; tu les fais tomber en des précipices.
    « Ils sont comme un songe quand on s’est réveillé. Ô Seigneur, tu mettras en mépris leur éclat apparent, quand tu te réveilleras.
    « Je serai donc toujours avec toi ; tu m’as pris par la main droite.
    « Tu me conduiras par ton conseil, et puis tu me recevras dans ta gloire.
    « Pour moi, approcher de Dieu, est mon bien ; j’ai mis toute mon espérance au Seigneur éternel. »
    Ces saintes paroles de foi descendaient des lèvres du vieillard comme une musique sacrée ; elles pénétrèrent dans l’esprit irrité de Georges, et ses beaux traits prirent peu à peu une expression

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