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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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reprit Saint-Clair, tant de gens suivent la route battue ! Regardez en haut, en bas, d’un bout à l’autre de l’univers, n’est-ce pas la même histoire ? Les classes inférieures ne s’usent-elles pas, esprit, corps et âme, au profit des classes supérieures ? Il en est ainsi en Angleterre ; il en est de même partout ; et cependant toute la chrétienté s’émeut et s’indigne de ce que nous agissons comme elle, avec un peu de différence de forme.
    – Il n’en est pas ainsi dans l’État de Vermont.
    – Je conviens que dans la Nouvelle-Angleterre et dans les États libres, vous avez le pas sur nous. Mais j’entends la cloche du dîner. Allons, cousine, mettons de côté nos préjugés respectifs, et signons l’amnistie à table. »
    À une heure plus avancée de l’après-midi, miss Ophélia était dans la cuisine, lorsque les petits négrillons crièrent : » Tiens ! tiens ! Prue li venir là-bas ! – li grogner en marchant comme toujours ! »
    Une femme de couleur, grande et décharnée, entra portant sur sa tête un panier de biscottes et de petits pains chauds.
    « Oh ! Prue ! te voilà enfin ! » s’écria Dinah.
    Prue avait une physionomie hargneuse, et une voix sourde et grommelante. Elle posa son panier à terre, s’accroupit à côté, et ses coudes sur ses genoux, elle dit :
    « Ah ! Seigneur ! que je voudrais donc être morte !
    – Et pourquoi voudriez-vous être morte ? demanda miss Ophélia.
    – Pour en finir de ma misère, répliqua la femme d’un ton bourru, sans lever les yeux de terre.
    – Aussi, qu’as-tu besoin de te griser, pour être fouettée après, Prue ? » dit une élégante femme de chambre quarteronne en agitant ses boucles d’oreilles de corail.
    La femme la regarda de travers.
    « Tu pourras ben en venir là un de ces jours, toi ! j’serai contente de t’y voir ; et tu seras peut-êt’ ben aise, comme moi, de boire la goutte, pour noyer ta misère.
    – Allons, Prue, reprit Dinah ; voyons tes biscottes : voilà miss qui te les payera. »
    Miss Ophélia en choisit deux douzaines.
    « Y a des cachets dans cette vieille cruche cassée, sur la planche, là-haut, reprit Dinah. Grimpe, Jakes, et aveins-les.
    – Des cachets ! pourquoi faire ? dit miss Ophélia.
    – Nous achetons les cachets à son maître, et elle nous donne des pains en échange.
    – Et il compte l’argent et les billets quand je rentre, et si le compte n’y est pas, il m’éreinte de coups à me tuer !
    – Il te traite comme tu le mérites, dit Jane, la fringante femme de chambre, puisque tu prends son argent pour aller boire. – C’est ce qu’elle fait constamment, miss.
    – Et c’est ce que je ferai encore. Je peux pas vivre autrement. Je veux boire, et oublier ma misère.
    – C’est très-stupide, et très-mal à vous de voler l’argent de votre maître pour vous abrutir, dit miss Ophélia.
    – Ça peut être mal, ma’ame, mais je le ferai encore, je le ferai toujours. Ô Seigneur ! que je voudrais donc être morte ! – Oui, morte, et en avoir fini ! » La vieille créature se releva lentement tout d’une pièce, et rechargea son panier sur sa tête ; mais, avant de sortir, elle regarda la jolie quarteronne qui continuait à faire danser ses boucles d’oreilles.
    « Te voilà ben faraude, toi, avec tes pendeloques, et tu te donnes des airs ; tu regardes le pauv’e monde du haut en bas ! Eh ben, attends ; tu vivras peut-être assez pour être une pauv’e vieille carcasse déchiquetée, comme moi. Le Seigneur te donnera ton compte à toi aussi, j’espère, et nous verrons si tu ne te mets pas à boire – boire – boire jusqu’à l’enfer ! Ce sera bien fait, va ! Et poussant un hurlement haineux, elle sortit.
    – La dégoûtante vieille bête ! dit Adolphe, qui venait chercher de l’eau chaude pour la toilette de Saint-Clair. Si j’étais son maître je la fouetterais encore plus au vif.
    – Ah ! pour ça, je vous en défie, reprit Dinah. Son dos n’est qu’une plaie – elle ne peut pas seulement attacher ses hardes.
    – Vraiment, on ne devrait pas envoyer des créatures de cette espèce dans des maisons comme il faut, dit miss Jane. Qu’en pensez-vous monsieur Saint-Clair ? » ajouta-t-elle en faisant des agaceries à Adolphe.
    Entre autres empiétements sur le bien de son maître, Adolphe s’était approprié son nom et son adresse. Dans les cercles des gens de couleur de la

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