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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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grisée ; – ils l’ont descendue dans la cave ; ils l’y ont laissée tout le jour, – et je leur ai entendu dire que les mouches s’étaient mises après elle , et elle est morte ! »
    Dinah leva les mains au ciel ; elle se retourna, et aperçut à ses côtés la figure aérienne d’Évangeline : ses grands yeux mystiques étaient dilatés d’horreur, et le sang avait abandonné ses joues et ses lèvres.
    « Dieu nous bénisse ! miss Éva se trouve mal ! À quoi que je pensais de lui laisser entendre ça ! Son papa va être comme fou !
    – Je ne me trouverai pas mal, dit l’enfant avec fermeté. Et pourquoi ne l’entendrais-je pas ? Ce n’est pas si douloureux pour moi de l’entendre que pour la pauvre Prue de l’endurer.
    – Seigneur bon Dieu ! de pareilles histoires sont pas faites pour de gentilles et délicates demoiselles comme vous ! – y aurait de quoi les tuer ! »
    Éva soupira et remonta l’escalier à pas lents.
    Miss Ophélia s’enquit de ce qui était arrivé : Dinah le lui conta à sa façon prolixe, et Tom ajouta ce qu’il avait appris de la malheureuse femme, le matin où il l’avait suivie.
    « C’est une chose abominable, horrible ! s’écria-t-elle, comme elle entrait dans le salon où Saint-Clair lisait le journal.
    – Quelle nouvelle iniquité y a-t-il encore sous le soleil ? demanda-t-il.
    – Quelle iniquité ?… ces misérables ont fait mourir Prue sous le fouet ! » Et elle commença le récit avec vivacité, en insistant sur les détails.
    « Je pensais que cela finirait ainsi un jour ou l’autre, dit Saint-Clair, continuant de lire son journal.
    – Vous le pensiez !… et n’allez-vous pas faire quelque chose ? N’y a-t-il pas des magistrats qui puissent intervenir, faire une enquête ?
    – On suppose généralement que l’intérêt du propriétaire est une garantie suffisante pour la propriété. S’il plaît aux gens de se ruiner, je ne sais trop qu’y faire. Il paraît que la pauvre créature s’enivrait et volait, ce qui ne contribuera pas à exciter les sympathies en sa faveur.
    – Mais c’est infâme ! – c’est odieux, Augustin ! cela crie vengeance contre vous !
    – Ma chère cousine, je n’y suis pour rien, et n’y puis rien. La chose eût-elle dépendu de moi, je l’aurais empêchée. Si des gens bornés et brutaux suivent leurs instincts grossiers, que voulez-vous que j’y fasse ? Ils ont un pouvoir absolu : ce sont des despotes irresponsables. À quoi servirait d’intervenir ? Il n’y a pas de lois applicables à de pareils cas. Le mieux est donc de fermer les yeux et les oreilles, et de laisser passer. C’est l’unique ressource qui nous reste.
    – Comment pouvez-vous fermer vos yeux et vos oreilles ? Comment pouvez-vous laisser passer de pareilles choses !
    – Ma chère enfant, comment espérer mieux ? voilà toute une classe avilie, irritante, indolente par nature, livrée, sans contrat ni conditions, aux mains de ceux dont se compose la majorité de notre monde : gens peu scrupuleux, sans nulle habitude de se dominer, qui ne sont pas même éclairés sur leurs propres intérêts, – et c’est le cas de la plus grande moitié du genre humain. Dans une république ainsi organisée, que peut faire un homme d’honneur, sinon fermer les yeux tant fort qu’il peut, et se cuirasser le cœur ? Je ne peux pas acheter chaque pauvre misérable que je rencontre. Je ne puis pas m’ériger en chevalier errant, et entreprendre de redresser chaque tort individuel dans une ville comme celle-ci. Tout ce que je puis, c’est de m’en tenir à l’écart. »
    La belle figure de Saint-Clair s’assombrit un moment, il prit l’air soucieux ; mais, évoquant presque aussitôt un gai sourire, il dit :
    « Allons, cousine, ne restez pas là debout comme une des inflexibles parques. – Vous n’avez fait qu’appliquer votre œil au trou du rideau, qu’entrevoir ce qui se passe, sous une forme ou sous l’autre, dans le monde entier. Si nous voulions sonder toutes les lugubres profondeurs de la vie, nous n’aurions plus le cœur à rien. Je vous l’ai déjà dit, c’est aussi périlleux que d’examiner de trop près les mystères de la cuisine de Dinah. » Saint-Clair se rejeta en arrière sur le sofa, et se replongea dans son journal.
    Miss Ophélia s’assit, tira son ouvrage, et se mit à tricoter avec la verve de l’indignation : elle se taisait ; mais le feu couvait au dedans ;

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