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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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naturellement de leurs privilèges.
    – Mais n’avoir ni heure fixe, ni temps, ni lieu, ni ordre ; – laisser ainsi tout aller à l’aventure !
    – Ma chère de Vermont, vous autres natifs du pôle nord, vous attachez trop de valeur au temps ! Que voulez-vous qu’en fasse un homme, qui en a deux fois plus qu’il n’en peut employer ? Quant à l’ordre et à la méthode, qu’importe une heure de retard ou d’avance pour le déjeuner ou le dîner, si l’on n’a rien à faire qu’à lire, étendu sur un sofa ? Tenez, voilà Dinah qui vous fera un excellent dîner, – soupe, ragoût, volaille rôtie, dessert, glaces, et le reste ; – elle tire tout cela du chaos et des ténèbres de sa cuisine : j’en suis émerveillé quand j’y pense, et je trouve son art sublime. Mais, le ciel nous assiste ! si nous venions à descendre dans ces noires profondeurs, et à voir tout ce qui fume, tout ce qui court, tout ce qui grouille là, si nous assistions à certains procédés préparatoires, mais nous ne mangerions plus. Croyez-moi, chère cousine, dispensez-vous de cette pénitence ! elle est rude et ne sert à rien ; vous y perdriez votre bonne humeur ; Dinah y perdrait la tête. Laissez-la en faire à sa guise !
    – Mais, Augustin, vous ne savez pas dans quel état j’ai trouvé les choses.
    – Moi ! ne sais-je pas que le rouleau à pâte réside d’ordinaire sous son lit, la râpe à muscade dans sa poche à tabac ; – qu’il y a soixante-cinq sucriers différents, un dans chaque coin de la maison ; – qu’un jour elle lave les assiettes avec une serviette de table, et le lendemain avec un lambeau de son vieux jupon ? Tout cela ne l’empêche pas d’apprêter d’admirables dîners, de faire du café exquis ! et il faut la juger, comme les guerriers et les hommes d’État, par ses succès .
    – Mais le gaspillage, la dépense, le désordre !
    – Eh bien ! enfermez tout ce qui se peut enfermer, et gardez la clef ; donnez par petite mesure, et ne vous informez pas des restes, – c’est ce qu’il y a de mieux.
    – Cela me chagrine, Augustin : je ne puis m’empêcher de craindre que vos domestiques ne soient pas strictement honnêtes . Êtes-vous sûr qu’on puisse s’y fier ?
    Augustin poussa d’immodérés éclats de rire devant la longue figure que faisait miss Ophélia en articulant cette question.
    – Oh ! cousine, c’est trop fort ! Honnêtes ! – Comme si c’était chose à espérer. Honnêtes ! Non, certes, ils ne le sont pas ! Pourquoi le seraient-ils ? – Qui les y pousserait ?
    – Ne pouvez-vous donc les instruire ?
    – Les instruire ! Tarare ! Quel genre d’instruction leur donnerais-je ? cela m’irait bien, d’ailleurs ! Quant à Marie, elle a certainement assez de nerf pour tuer tous les esclaves d’une plantation, si je la laissais faire ; mais elle ne parviendrait pas à exorciser le démon de la ruse.
    – N’y en a-t-il donc pas d’honnêtes ?
    – Si ; par-ci, par-là, il s’en trouva un que la nature a fait si simple, si opiniâtrement véridique et fidèle, que les pires influences ne le peuvent gâter. Dès le sein de la mère, l’enfant de couleur voit et sent que les voies souterraines lui sont seules ouvertes. Il n’a pas d’autre issue pour se faufiler dans les bonnes grâces de ses parents, de sa maîtresse, du jeune maître et de ses compagnons. La ruse, le mensonge, lui deviennent des habitudes familières, inévitables. Il y aurait injustice à attendre de lui autre chose. On ne doit pas l’en punir. Quant à la probité, l’esclave, à demi enfant, est tenu dans cet état de dépendance où il lui est presque impossible de comprendre le droit de propriété, et de ne pas considérer les biens de son maître comme siens, dès qu’il peut se les approprier. Quant à moi, je ne vois pas comment il pourrait être honnête. Un homme tel que Tom, ici, est – ma foi ! – est un miracle moral !
    – Et que deviennent leurs âmes ? demanda miss Ophélia.
    – Ce n’est pas là mon affaire, que je sache, repartit Saint-Clair. Je ne me mêle que de la vie présente. Du reste, il est à peu près admis que, pour notre bien-être, la race entière est dévolue au diable en ce monde, quoi qu’il puisse advenir de l’autre.
    – C’est horrible ! dit miss Ophélia, vous devriez rougir de vous-même !
    – Cela m’arrive bien quelquefois. Mais que voulez-vous ? on est en si bonne compagnie,

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