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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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correction, quoiqu’il pût à peine marcher, il se traîna jusqu’au marais et y mourut. Il n’y avait pour cela aucun motif, car les nègres de mon père étaient toujours humainement traités.
    – Une fois, dit Saint-Clair, j’ai rompu un homme sur lequel tous les surveillants et contre-maîtres s’étaient essayés en vain.
    – Vous ! se récria Marie, je serais charmée de savoir quand vous avez jamais fait pareil exploit.
    – Je vais vous le dire. C’était un géant d’une force prodigieuse, Africain de naissance, et qui avait au suprême degré l’instinct sauvage de la liberté. Un véritable lion d’Afrique ! On le nommait Scipion. Personne n’en pouvait rien faire. Il fut vendu et revendu, passa de surveillant en surveillant, jusqu’à ce qu’enfin Alfred l’acheta, persuadé qu’il pourrait le dompter. Un beau jour, le noir terrassa le contre-maître, et décampa dans les marais. J’étais en visite sur la plantation, car nous avions déjà cessé d’être associés mon frère et moi. Alfred était exaspéré : je lui dis qu’il y avait de sa faute, et j’offris de parier que je materais ce terrible rebelle ; bref, il fut convenu que si je l’attrapais, on me le livrerait pour expérimenter dessus. Une bande de six ou sept hommes se mit en campagne avec chiens et fusils. Les gens, comme vous savez, peuvent apporter juste autant d’ardeur à chasser un homme qu’un daim : c’est affaire de coutume ; j’étais moi-même passablement excité, quoique je ne m’en mêlasse que comme médiateur, au cas où il serait pris.
    « Eh bien ! les chiens aboyèrent, hurlèrent. Nous galopions à leur suite, et nous finîmes par faire lever le gibier. Il bondit, courut comme un cerf, et nous distança pendant quelque temps ; mais, à la fin, il se fourvoya dans un épais fourré de roseaux, et là, réduit aux abois, je vous assure qu’il tint vaillamment tête aux chiens. Il les lançait à droite, à gauche, et en avait assommé trois avec ses poings, quand un coup de fusil le jeta bas : il tomba presque à mes pieds, blessé et saignant. Le pauvre diable me regardait avec des yeux pleins de courage et de désespoir. Je fis reculer les chiens et les hommes qui accouraient à la curée ; je le réclamai comme mon prisonnier. C’est tout ce que je pus faire que de les empêcher de l’achever dans le feu du triomphe : mais je tenais à mon marché, et Alfred me le vendit. Eh bien, je me mis à l’œuvre, et au bout d’une quinzaine, il fut apprivoisé : il devint aussi soumis, aussi souple, qu’on pouvait le désirer.
    – Que lui aviez-vous donc fait ? demanda Marie.
    – Mon procédé était des plus simples. Je l’installai dans ma propre chambre, je lui fis faire un bon lit ; je pansai ses blessures et le soignai moi-même, jusqu’à ce qu’il fut de nouveau sur pied. Puis, en temps voulu, je fis dresser son acte d’affranchissement, et lui déclarai qu’il pouvait aller où bon lui semblerait.
    – S’en alla-t-il ? dit miss Ophélia.
    – Non. Le pauvre niais déchira le papier en deux, et refusa absolument de me quitter. Je n’ai jamais eu un plus brave et meilleur garçon – fidèle et franc comme l’acier. Il embrassa plus tard le christianisme, et devint doux comme un enfant. Je lui avais confié la surveillance de mon habitation sur le lac ; il s’en acquittait admirablement. Je le perdis à la première invasion du cholera. De fait, il donna sa vie pour moi. J’étais à la mort, et lorsque, cédant à une terreur panique, tout le monde fuyait, Scipion resta, et s’escrima sur moi comme un géant, si bien qu’il me ramena de fort loin. Mais, pauvre garçon ! il fut pris à son tour, et il n’y eut pas moyen de le sauver. Jamais perte ne m’a été plus amère. »
    Pendant ce récit, Éva s’était peu à peu rapprochée de son père ; les lèvres entr’ouvertes, les prunelles dilatées, elle l’écoutait avec un intérêt passionné.
    Quand il eut fini, elle jeta ses deux bras autour de son cou, fondit en larmes et sanglota convulsivement.
    « Éva, chère fille ! qu’as-tu ? qu’y a-t-il ? dit Saint-Clair, comme le petit corps de l’enfant tremblait de la violence de ses émotions. Il ne faut pas, ajouta-t-il, qu’elle écoute ces sortes d’histoires. Elle est trop nerveuse.
    – Non, papa, je ne suis pas nerveuse, dit Éva, se dominant tout à coup, avec une force de résolution peu commune à cet âge. Je ne suis pas

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