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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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exercices au-dessus de ses forces, commença dès lors à décliner rapidement. Pour ne pas admettre une vérité douloureuse, son père s’était refusé avec terreur à recourir aux médecins : – cette fois il y consentit. Depuis deux jours, Éva, trop souffrante, n’avait pu sortir de chez elle ; le docteur fut appelé.
    Marie Saint-Clair, toute absorbée dans l’étude de deux ou trois nouvelles maladies dont elle se croyait victime, n’avait fait nulle attention au dépérissement graduel de sa fille. Pour premier article de foi, elle se tenait assurée que jamais personne n’avait souffert et ne pouvait souffrir comme elle, et autant qu’elle. La moindre insinuation que quelque autre pût être malade sous son toit, était repoussée avec une indignation virulente. « Ce n’était rien que paresse, manque d’énergie. Ah ! si l’on avait la dixième partie de ses maux, on saurait ce que c’est ! on sentirait la différence ! »
    Plusieurs fois miss Ophélia essaya d’éveiller les craintes maternelles ; ce fut en vain.
    « Je ne vois pas, répondait Marie, qu’Éva ait la moindre des choses ! elle ne fait que causer et jouer.
    – Mais, sa toux…
    – Sa toux ! Ce n’est pas à moi qu’il faut parler de toux ! J’y suis sujette depuis que je suis au monde. À l’âge d’Éva, on m’a crue poitrinaire. Mamie passait toutes les nuits à me veiller. Ah ! qu’est-ce que la toux d’Éva en comparaison !
    – Mais elle s’affaiblit ; sa respiration devient courte.
    – Seigneur ! je connais assez cela, et depuis des années ! – Une affection nerveuse.
    – Mais elle a des sueurs la nuit.
    – C’est moi qui ai eu, ces dix dernières années, des transpirations prodigieuses ! à tordre tout ce que je porte. Pas un fil de sec dans mes habillements de nuit, et Mamie est forcée de faire sécher mes draps ! Certes, les sueurs d’Éva ne sont pas à comparer. »
    Miss Ophélia fut donc pour le moment réduite à se taire. Mais aujourd’hui qu’Éva se trouvait sérieusement atteinte, visiblement abattue, et qu’un médecin était appelé, Marie changea de note tout à coup.
    « Elle le savait ! – elle l’avait toujours pressenti ! elle était condamnée à devenir la plus malheureuse des mères ! Avec sa misérable santé, voir son unique enfant dépérir, descendre sous ses yeux dans la tombe ! » Et Marie, en vertu de ce nouveau chagrin, mettait chaque nuit le sommeil de la pauvre Mamie en déroute, et persécutait, tracassait, tourmentait tout le long du jour.
    « Ma chère Marie, ne dites pas ces choses-là, de grâce ! insistait Saint-Clair ; nous n’en sommes point à désespérer.
    – Vous n’avez pas le cœur d’une mère, Saint-Clair ; jamais vous n’avez pu me comprendre : – comment me comprendriez-vous aujourd’hui !
    – Mais ne parlez pas du moins comme si tout était perdu.
    – Je n’ai pas votre heureuse indifférence, Saint-Clair. Si le danger de votre unique enfant vous laisse calme, vous  ; moi, c’est autre chose. Ce coup est trop affreux, après tout ce que j’ai supporté.
    – Il est vrai, reprenait Saint-Clair, qu’Éva est fort délicate : j’ai toujours craint qu’elle ne le fût. Une croissance rapide a épuisé ses forces, et la situation est critique ; mais ce n’est qu’un abattement passager, qu’expliquent l’excessive chaleur, le trop d’exercice, et l’agitation causée par la visite de son cousin. Le médecin a de l’espoir.
    – À merveille ; si vous pouvez regarder les choses du bon côté, faites. C’est un bonheur ici-bas que de n’avoir pas une profonde sensibilité. Certes, je souhaiterais fort ne pas sentir ce que j’éprouve, et qui ne sert, hélas ! qu’à me rendre profondément malheureuse. Plût à Dieu que je pusse être aussi tranquille que vous l’êtes tous ! »
    Tous auraient eu d’excellentes raisons de s’unir à cette prière, car Marie, se drapant dans sa nouvelle infortune, s’en faisait un droit pour harasser chacun. On ne pouvait dire une parole, faire ou ne pas faire quoi que ce soit, sans qu’elle en tirât une nouvelle preuve de la révoltante insensibilité de ceux qui l’environnaient, – tous également indifférents, disait-elle, à ses profondes angoisses. La pauvre petite Éva entendait parfois ces doléances ; alors elle s’épuisait en larmes de tendre compassion sur les douleurs de sa mère, et s’affligeait profondément d’être

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