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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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d’êtres humains courbés sous sa volonté absolue, sans l’ombre de protection ; et, tout ignoble qu’il est, vous ne pouvez nier qu’il n’est pas le seul de son espèce.
    – Il se rencontre aussi parmi les planteurs des hommes humains et modérés.
    – Je l’accorde ; mais, selon moi, vous autres, hommes humains et modérés, vous êtes responsables de toutes les brutalités, de tout le mal que font ces misérables. Sans votre sanction et votre influence, le système ne tiendrait pas une heure. S’il n’y avait de planteurs que les pareils de cet homme, dit-il, en désignant du doigt Legris, qui leur tournait le dos, la chose croulerait d’elle-même. C’est votre considération, c’est votre humanité qui autorisent et protègent sa barbarie.
    – Vous avez, en tout cas, une haute opinion de mon bon naturel, dit le planteur en souriant ; mais je vous conseille de ne pas parler si haut, car il se trouve à bord des gens qui ne seraient pas tout à fait aussi tolérants que moi. Vous ferez mieux d’attendre notre arrivée à ma plantation ; là, vous pourrez nous injurier tous, à votre bon plaisir. »
    Le jeune homme rougit et sourit ; tous deux se mirent à faire une partie de trictrac. Pendant ce temps, une autre conversation avait lieu à l’extrémité opposée du bateau, entre Emmeline et la mulâtresse enchaînée avec elle. Elles échangeaient naturellement quelques détails de leur histoire.
    « À qui étiez-vous ? demanda Emmeline.
    – À M. Ellis. C’était le nom de mon maître ; – il demeurait dans la rue de la Levée. Peut-être bien que vous avez vu la maison ?
    – Était-il bon pour vous ?
    – Assez bon, avant de tomber malade ; mais il a été couché près de six mois ; ça allait, ça venait, et il était terriblement difficile. Il ne voulait pas qu’on dorme ni nuit ni jour : ça l’agaçait ; il ne s’arrangeait de personne, et toujours il empirait. J’ai resté des nuits et des nuits debout ; je ne pouvais plus me tenir éveillée ; et parce qu’une fois je m’étais endormie, il se mit si fort en colère ! il dit qu’il me vendrait pour sûr au plus méchant maître qui se pourrait trouver. Il m’avait pourtant promis que j’aurais ma liberté après sa mort.
    – Aviez-vous des parents ? reprit Emmeline.
    – Oui, mon mari ; c’est un forgeron. Le maître l’envoyait à loyer au dehors. Ils m’ont emmenée si vite que je n’ai pas eu le temps de le voir : et j’ai quatre petits enfants. Oh ! Seigneur, Seigneur ! » dit la femme, se couvrant la figure de ses mains.
    C’est un sentiment naturel chez tous, en entendant un douloureux récit, de chercher quelques paroles consolantes. Emmeline eût voulu dire quelque chose, mais elle ne trouvait rien… De quoi eût-elle pu parler ? Toutes deux, comme d’un commun accord, évitaient avec terreur la moindre allusion à l’homme horrible qui était devenu leur maître.
    Même aux heures les plus sombres, la foi religieuse nous reste. Membre de l’Église méthodiste, la mulâtresse avait une piété peu éclairée, mais sincère. Emmeline lui était fort supérieure en intelligence ; elle avait appris à lire, à écrire, et une maîtresse éclairée et pieuse lui avait enseigné les vérités de la Bible. Mais n’est-ce pas une bien rude épreuve pour la foi du plus ferme chrétien que de se sentir, en apparence abandonné de Dieu, à la merci d’une impitoyable violence ? Comment la foi de ces pauvres, de ces « petits » du Christ, ignorants, faibles, jeunes, y pourrait-elle résister ?
    Le bateau remontait – avec son lourd fret d’angoisses et de douleur – le courant fangeux et trouble qui serpente à travers les brusques sinuosités de la rivière Rouge ; et des yeux tristes et fatigués contemplaient l’argile rougeâtre des berges abruptes qui se prolongent avec une sombre monotonie. Enfin le bateau s’arrêta devant une petite ville, où débarquèrent Legris et sa vivante cargaison.

CHAPITRE XXXIII

Les ténèbres extérieures.

La terre est couverte de ténèbres épaisses et remplie de repaires de violence.

    Ps. LXXIV, verset 20.
    Se traînant derrière un rude chariot, sur un chemin plus rude encore, Tom et ses compagnons avançaient péniblement.
    Dans le chariot siégeait Simon Legris, et sur l’arrière les deux femmes, toujours enchaînées ensemble, avaient été arrimées avec les bagages. Toute la troupe se rendait à la plantation de

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