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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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retombe… Suzanne est vendue. Elle descend de l’estrade, s’arrête, se retourne avec anxiété vers sa fille, qui lui tend les bras. Dans son agonie, elle regarde son nouveau maître : – c’est un homme entre deux âges, d’un aspect respectable, d’une physionomie bienveillante.
    « Ô maître, achetez ma fille, je vous en supplie !
    – Je le voudrais ; mais j’ai peur de n’en avoir pas les moyens, » dit le brave homme en suivant de l’œil avec intérêt la jeune fille, qui monte sur l’estrade et promène autour d’elle des regards effrayés et timides.
    Son sang agité colore ses joues pâles, le feu de la fièvre allume ses yeux, et la mère frémit en la voyant plus belle qu’elle ne l’a jamais vue. Le crieur aussi profite de sa chance, et discourt avec volubilité en son mauvais jargon anglo-français ; les enchères montent rapidement.
    « Je ferai tout ce que je pourrai, » dit le bienveillant gentilhomme, se joignant aux enchérisseurs et offrant son prix ; mais en quelques secondes il est dépassé ; tout ce que contient sa bourse n’y suffirait pas. Il se tait : le commissaire-priseur s’échauffe ; les enchères se ralentissent ; maintenant, la lutte n’est engagée qu’entre un vieil aristocrate de la Nouvelle-Orléans et notre ignoble connaissance au crâne dur et rond. Le noble personnage, mesurant de l’œil avec dédain son adversaire, fait encore quelques offres ; mais le manant persiste ; il l’emporte sur l’autre de toute la force de son obstination, et de toute la profondeur d’une bourse bien garnie ; aussi la rixe ne dure-t-elle qu’un moment : le marteau tombe… Il a la jeune fille, corps et âme, à moins que Dieu ne lui vienne en aide !
    Le maître d’Emmeline est un M. Legris, propriétaire d’une plantation de coton sur la rivière Rouge. Elle est poussée vers le lot dont Tom fait partie, ainsi que deux autres, et s’éloigne toute en pleurs.
    Le brave propriétaire de Suzanne est vexé ; mais « ces choses-là arrivent tous les jours. Il n’y a presque point de ventes où l’on ne voit pleurer des mères et des filles ! on ne sait qu’y faire ! » et il se dirige d’un autre côté avec sa nouvelle emplette.
    Deux jours après, l’homme d’affaires de la maison très chrétienne, B*** et compagnie, de New-York, expédiait l’argent à ses correspondants. Qu’ils inscrivent au dos de cette traite, prix de larmes et de sang, les paroles du Souverain Rémunérateur, avec lequel ils régleront un jour : « Quand il tire vengeance du sang versé, il n’oublie pas le cri du faible. »

CHAPITRE XXXII

La traversée.

Tu as les yeux trop purs pour voir le mal, et tu ne saurais prendre plaisir à regarder le mal qu’on fait à autrui. Pourquoi regarderais-tu les perfides, et te tairais-tu quand le méchant dévore son prochain qui est plus juste que lui.

    HABAKUK, ch. I, verset 13.
    Tom, assis au fond d’un mauvais petit bateau, les fers aux pieds et aux mains, a sur le cœur un poids plus lourd que ses chaînes. Tout s’est effacé du ciel, – étoiles et lune ; tout a fui pour ne plus revenir, comme fuient maintenant les arbres et les rives de chaque côté du fleuve. Sa case du Kentucky, avec sa femme, ses enfants, sa bonne maîtresse madame Shelby, Saint-Clair et sa splendide demeure ; la tête dorée d’Éva et ses yeux célestes ; son jeune maître, si fier, si gai, si beau, si affectueux sous ses dehors insouciants ; les heures faciles, les doux loisirs, – tout a disparu ! et que reste-t-il à la place ?
    C’est là une des plus grandes misères de l’esclavage. Le noir dont la nature sympathique s’assimile aisément à tout ce qui l’entoure est sans cesse exposé, après avoir vécu au sein d’une bonne famille, et y avoir puisé un certain raffinement de goûts et de sensations, à devenir l’esclave du plus grossier, du plus brutal manant ; de même qu’une chaise ou une table, qui ornait jadis un splendide salon, finit boiteuse et déformée dans quelque sale bouge ou dans quelque hideux repaire de débauche. L’énorme différence c’est que la table et la chaise sont insensibles, et que l’ homme ne l’est pas ; car l’acte légal qui le déclare « propriété personnelle, » saisissable, vendable et taillable à merci, ne saurait lui enlever son âme et tout ce qu’elle contient de souvenirs, d’espérances, d’amour, de craintes, de désirs.
    M. Simon Legris avait acheté,

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