La case de L'oncle Tom
Sud, hommes, femmes au cœur généreux, – à vous dont la vertu, la magnanimité, la pureté de caractère, éclatent d’autant plus qu’elles ont résisté à de sévères luttes, – c’est à vous que l’auteur en appelle ! N’avez-vous pas senti, au profond de votre âme, et dans l’intimité de vos relations, que ce système exécrable engendre des infamies, des plaies, des ulcères, qui dépassent de bien loin ce que nous avons faiblement esquissé dans ce livre, ce que même l’on n’oserait pas indiquer ? En peut-il être autrement ? Est-ce à l’ homme qu’un pouvoir tout à fait irresponsable peut être confié ? et la loi qui enlève à l’esclave sa voix, comme témoin légal, ne fait-elle pas de chaque maître un despote dont le pouvoir est complètement arbitraire ? La conclusion pratique doit être claire à tous les yeux. Si, parmi vous, hommes d’honneur et d’humanité, règne, comme nous le reconnaissons, une opinion publique dont l’appréciation loyale est un frein, ne règne-t-il pas une opinion publique d’une autre sorte chez les misérables, les bandits, les hommes vils, violents, grossiers ? Ceux-ci n’ont-ils pas le droit légal de posséder autant d’esclaves que les premiers ? et les hommes justes et bons sont-ils en majorité dans ce monde ?
La traite des noirs est assimilée aujourd’hui à la piraterie par la loi américaine ; mais un commerce d’esclaves, aussi régulièrement organisé que celui de la côte d’Afrique, est l’inévitable suite de l’esclavage américain ; et, qui peut énumérer et les misères et les horreurs !
L’écrivain n’a donné qu’une esquisse effacée, une faible ébauche des angoisses désespérées qui, à ce moment même, déchirent des milliers de cœurs, dispersent des milliers de familles, et poussent à la frénésie et au désespoir une race sensitive et sans défense. Ils vivent, ceux qui connaissent des mères que ce trafic odieux a contraintes à égorger leurs enfants, par amour maternel. Elles cherchaient dans la mort un abri à des maux pires que la mort. Rien de tragique, rien d’affreux ne peut être rêvé, raconté, conçu, que ne dépasse l’effroyable réalité de scènes qui, tous les jours, à toute heure, ont lieu sur nos rivages, sous la protection des lois américaines, à l’ombre de la croix du Christ.
Et maintenant, ô mes concitoyens ! hommes et femmes de mon pays, est-ce là une chose frivole qui se puisse excuser et passer sous silence ? Fermiers du Massachusetts, du New Hampshire, du Vermont, du Connecticut, qui lisez ce livre à la vive clarté de vos foyers d’hiver, – vaillants marins au cœur chaud, courageux armateurs du Maine, – est-ce là ce que vous prétendez protéger et encourager ? généreux habitants de New-York, fermiers du fertile et riant Ohio, et vous, pionniers des larges États de l’Ouest aux prairies sans limites, – répondez : est-ce là ce que vos lois viennent défendre et garantir ? Et vous, mères américaines, – vous qui, sur le berceau de vos enfants, avez ouvert vos cœurs à la sympathie humaine dans tout ce qu’elle a de plus ardent et de plus pur ; – au nom du saint amour que vous portez au cher petit nourrisson ; au nom des joies célestes que vous donne sa belle enfance, innocente et folâtre ; au nom de cette piété maternelle et dévouée qui va le guider à mesure qu’il grandira ; au nom des tendres sollicitudes qui accompagnent ses premiers pas dans la vie ; au nom des ardentes prières poussées au ciel pour l’éternel salut de son âme, je vous adjure, je vous supplie, songez à la mère qui, pénétrée de toutes vos anxiétés, brûlant du même amour, n’a pas le moindre droit légal à protéger, à garder, à élever l’enfant de ses entrailles ! Au nom de l’heure fatale où votre petit bien-aimé commença à languir sur votre sein, par ces regards mourants que vous n’oublierez plus, par ces derniers cris, qui torturaient votre cœur quand vous ne pouviez plus soulager ni sauver, par la désolation de ce berceau vide, de cette chambre muette, oh ! je vous en supplie, ayez pitié de ces mères privées de l’enfant de leur sein par le commerce légal de l’Amérique ! Et dites, ô mères ! sont-ce là des choses à soutenir, à encourager, ou à passer sous silence ?
Les habitants des États du Nord se laveront-ils les mains, comme au temps jadis, « du sang de ce juste ; » diront-ils
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