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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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à qui se fier ? dit Georges, avec un amer désespoir qui coupa court aux exhortations du vieillard. Oh ! j’ai vu des choses, toute ma vie, qui m’ont fait douter qu’il y eût un Dieu. Les chrétiens ne savent pas de quel œil nous voyons leurs actes ! Il y a un Dieu pour vous, mais pour nous ?…
    – Oh ! ne dites pas cela, mon garçon ! dit le brave homme en sanglotant ; ne le pensez pas ! Il y a un Dieu pour tous. Les nuages et les ténèbres l’environnent, mais la justice et la droiture habitent près de son trône. Il y a un Dieu , Georges, croyez-le bien ; croyez en lui, et il vous secourra, j’en suis sûr. Tout sera redressé, – dans cette vie, ou dans l’autre. »
    La piété sincère, la bienveillance réelle du bon vieillard lui prêtaient de l’autorité, de la dignité. Georges suspendit sa marche impétueuse, demeura pensif un moment, et dit d’une voix calme :
    « Merci ! merci de m’avoir parlé ainsi. J’y songerai . »

CHAPITRE XIII

Incidents d’un commerce légal.

On a ouï dans Rama des cris, des lamentations, des pleurs et de grands gémissements : – Rachel pleurant ses enfants et ne voulant pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus.

    SAINT MATHIEU, chap. II, verset 18.
    M. Haley et Tom roulaient cahin caha, absorbés dans leurs réflexions. C’est chose merveilleuse que la variété qui se peut rencontrer dans les réflexions de deux hommes, assis côte à côte sur la même banquette, pourvus des mêmes organes, ayant de même des yeux, des oreilles, des mains, et voyant passer devant eux les mêmes objets.
    M. Haley, par exemple, pensa d’abord à la taille de Tom, à sa largeur, à sa hauteur, à ce qu’il pourrait valoir, s’il était tenu gras et en bon état, lorsqu’il le produirait au marché. Il pensa ensuite à la manière dont il assortirait sa marchandise ; à la valeur approximative d’hommes, de femmes, d’enfants, qu’il se proposait d’acheter pour composer une troupe d’élite. Puis il fit un retour sur lui-même, et s’applaudit de son humanité. Tandis que ses confrères « garrottaient » leurs nègres, lui, se contentait de leur mettre les fers aux pieds, leur laissant le libre usage de leurs mains, pourvu qu’ils n’en abusassent pas. Il soupira sur l’ingratitude de l’humaine nature ; car il soupçonnait Tom de ne pas apprécier tant d’égards. Que de fois n’avait-il pas été dupe des nègres qu’il avait le mieux traités ! aussi s’étonnait-il d’être resté si bon.
    Quant à Tom, il pensait à quelques paroles d’un vieux livre, passé de mode, qui lui revenaient en mémoire : « Nous n’avons point ici-bas de cité durable, mais nous cherchons la cité à venir. C’est pourquoi Dieu lui-même ne dédaigne pas d’être appelé notre Dieu ; car il nous a préparé une demeure éternelle. » Ces paroles d’un ancien volume, recueillies par des hommes ignorants, illettrés, ont de tout temps, grâce à je ne sais quelle puissante magie, exercé un étrange pouvoir sur l’esprit des pauvres et des humbles. Elles remuent l’âme jusque dans ses profondeurs ; elles réveillent, comme le son du clairon, le courage, l’énergie, l’enthousiasme ; elles dissipent les ténèbres du désespoir et de la mort.
    M. Haley tira de sa poche différents journaux, et se mit à parcourir les annonces avec un intérêt profond. Peu exercé dans l’art de la lecture, il avait adopté une sorte de récitatif à demi-voix, appel de ses yeux à ses oreilles. Il récita sur ce ton le paragraphe suivant :
    « À la requête des exécuteurs testamentaires,
    VENTE PAR AUTORITÉ DE JUSTICE. – NÈGRES. – « Par ordre de la cour, il sera vendu, le mardi 20 février, devant la porte du palais de justice, dans le village de Washington (Kentucky), les nègres dénommés ci-après : – Agar, âgée de 60 ans ; John, âgé de 30 ans ; Ben, âgé de 21 ans ; Saül, de 25 ans ; Albert, âgé de 14 ans. Ladite vente au bénéfice des créanciers de la succession de Jesse Blutchford, écuyer.

    THOMAS FLINT, SAMUEL MORICE, exécuteurs. »
    « J’y aurai l’œil, dit-il à Tom, faute de quelque autre à qui parler. Vois-tu, nègre, je veux monter un assortiment d’articles de choix, pour les conduire là-bas avec toi. Cela te fera de la société ; cela t’aidera à passer le temps. Nous irons d’abord tout droit à Washington ; là, je te camperai en prison, pendant que j’irai expédier mon

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