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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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par ses amis et connaissances, à prendre le thé chez chacun à tour de rôle, et tous ses projets et plans furent discutés et approfondis à loisir. Miss Moseley, appelée dans la ferme comme couturière, acquit soudain un certain degré d’importance, vu les développements apportés à la garde-robe d’Ophélia. Des gens dignes de foi affirmèrent que le squire Sanclare , façon usuelle de prononcer le nom dans le pays, avait remis à miss Ophélia cinquante dollars bien comptés, en l’engageant à acheter ce qu’elle trouverait de plus beau ; et deux robes neuves en soie, avec un superbe chapeau, lui avaient été expédiés de Boston.
    Quant à la convenance de ces déboursés extravagants, l’esprit public hésitait : les uns trouvaient qu’on pouvait se permettre du luxe une fois dans la vie ; d’autres affirmaient que l’argent eût été plus fructueusement employé par les missionnaires ; mais tous s’accordaient sur la beauté de l’incomparable ombrelle envoyée de New-York ; et, quelque chose qu’on pût dire d’Ophélia, du moins était-il avéré qu’une de ses robes se tenait debout toute seule. Certaines rumeurs se propagèrent sur des mouchoirs à points à jour, et même, le croirait-on ? garnis de dentelles ! on alla jusqu’à dire qu’ils étaient brodés aux coins ! Le dernier fait, douteux, n’a jamais pu être éclairci.
    Voyez maintenant, dans le bateau à vapeur, la voilà ! miss Ophélia en personne, revêtue de son habit de voyage neuf, d’indienne brune calandrée ; grande, roide, avec sa charpente osseuse, ses contours anguleux, son visage effilé, ses lèvres minces, comprimées par l’habitude de prendre en toute occurrence un parti décisif, ses yeux noirs et perçants, sur l’éveil pour découvrir quelque soin à prendre, quelque désordre à rectifier. Ses mouvements sont vifs, secs, énergiques. Assez taciturne d’ailleurs, elle dit cependant tout ce qu’elle veut dire, et ses mots vont droit au but. Enfin, elle est, dans son ensemble, la vivante personnification de l’ordre, de la méthode, de l’exactitude. Sa ponctualité défie celle de la meilleure pendule, et se montre aussi inexorable que le balancier d’une machine à vapeur.
    À ses yeux, le péché des péchés, l’essence de tous les maux, se résume en un mot : désordre ! et ce mot revient souvent. Tout son mépris se condense dans l’emphase avec laquelle elle le prononce. Tout acte qui n’est pas la suite d’un dessein arrêté, les gens qui ne font rien, ceux qui ne savent ce qu’ils feront, ceux qui ne prennent pas les moyens de terminer ce qu’ils entreprennent, « désordonnés, désordre ! » Mais, la plupart du temps, le dédain d’Ophélia se congèle en une expression rêche et refrognée, plutôt qu’il ne s’exhale en paroles.
    Son intelligence est cultivée ; son esprit net, actif, vigoureux. Elle a lu, et bien lu, l’histoire. Elle connaît ses vieux auteurs classiques ; et sa pensée, dans un cercle restreint, est droite et forte. Ses règles de morale, ses dogmes religieux, bien distincts, bien complets, dûment coordonnés, sont étiquetés, rangés, classés, comme les nombreux paquets de sa boite à ouvrage. Il y en a juste le compte, et il n’y en aura jamais ni plus ni moins. Il en est de même de ses notions sur tout ce qui concerne la vie pratique : – tenue de ménage dans toutes ses branches ; opinions politiques, sociales et privées en cours dans son village natal ; enfin, au fond de tout, comme au-dessus de tout, se trouve le principe même de ses actes et de ses pensées, sa conscience  ; et nulle part la conscience ne se montre aussi dominante, aussi exclusivement reine et maîtresse que parmi les femmes de la Nouvelle-Angleterre. C’est la base, la roche vive, le granit primitif qui s’enfonce dans les profondeurs de la terre, et s’élève sur les crêtes des plus hautes montagnes.
    Miss Ophélia est l’aveugle esclave du devoir. Dès qu’elle soupçonne que le sentier du devoir , c’est son expression favorite, court dans une direction, elle s’y élance, et ni l’eau ni le feu ne l’en feraient dévier. Elle marchera à travers l’ouverture béante d’un puits, ou droit à la bouche d’un canon, n’importe, si le sentier y mène. Malheureusement pour son repos, son type de perfection est si haut placé, comprend un si grand nombre de détails, et fait abstraction si complète de la fragilité humaine, que la

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