Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chambre des officiers

La chambre des officiers

Titel: La chambre des officiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Dugain
Vom Netzwerk:
garde.
    L'idée me vint aussitôt de partir pour l'Afrique, une fois la guerre terminée. On disait que les sauvages y respectaient les grands bless és.
    !.
    Un lieutenant d'artillerie me raconta que son oncle, défiguré en 70, avait rempilé dans la coloniale pour se donner du champ. Il lui avait rapporté que, là-bas, un guerrier défiguré deveait un seigneur.
    J'en parlai à Weil, qui ramena la question ux femmes.
    - Je suis s˚r qu'elles ne font pas la diférence entre un beau Blanc et un Blanc défiré. En plus, à ce qu'on dit, elles ont des ormes plus que généreuses. Même que, parfois, faudrait leur raboter la croupe. C'est une drôlement bonne idée, ton histoire d'Afrique! Je te ropose une association: on amène deux ou ois avions. Je m'occupe du pilotage, et toi de mécanique.
    On va faire un malheur.
    Cette perspective nous redonna du courage our un temps, comme tous ces rêves auxquels
    on veut croire même lorsqu'on sait qu'ils ne se réaliseront jamais.
    Penanster était assis sur le petit banc de la cour des convalescents et le soleil qui illuminait son bon profil, celui qu'il avait conservé presque entier, donnait un reflet à son oeil vert qui nous scrutait de biais. Je me souviens de ce jour car jamais, depuis, je n'ai eu une surprise de cette taille. Nous étions le 24 juin 1916.
    Penanster tirait tranquillement sur sa cigarette anglaise.
    Il se mit à parler avec ce timbre de voix grave qui gardait toute sa majesté, malgré le léger chuintement qui tenait à ses dents brisées.
    - Mes amis, commença-t-il à la fois solennel et gêné, nous ne pouvons pas laisser nos sens à l'abandon.
    Weil me jeta un regard circonspect.
    - Je vous propose une sortie. Il nous faut à présent affronter le regard des femmes. Après, il sera trop tard; le manque de confiance aura eu raison de nous. C'est le moment de réagir.
    Puis, comme s'il anticipait notre réaction - Je sais que, venant de moi, cela peut vous paraître choquant, mais nous sortons là du cadre moral ordinaire. Nous sommes dans un contexte particulier, sans rapport avec les préoccupations banales du bourgeois bien portant.
    Il marqua un temps d'arrêt, et reprit
    - Notre première sortie n'a pas été ce que nous pourrions appeler une réussite. Nous avons abdiqué collectivement.
    Pointant son doigt sur Weil
    - Nous autant qu'Adrien, n'est-ce pas? Weil acquiesça sans mot dire.
    - Mes amis, conclut Penanster, je me permets donc de vous proposer une virée au bordel le plus proche. Il s'agit là d'un devoir sacré, nous sommes bien d'accord?
    Je m'attendais à ce qu'il déplie une carte d'état-major et qu'il entoure la cible. Et, puisque notre ami venait de nous expliquer que nous `étions en service commandé, nous décid‚mes de livrer cette bataille le cour léger.
    Nous obtînmes la permission de sortir le surlendemain après-midi. C'était la deuxième en deux ans et demi; nous n'avions pas le sentiment d'abuser.
    Ce mélange de mission et d'escapade de collégien n'était pas pour me déplaire. Je sentais qu'il n'en était pas de même pour Weil, bien qu'il par˚t le plus leste de nous trois. A la réflexion, c'est probablement pour cette raison qu'il était le moins à l'aise.
    Penanster quitta la forteresse hospitalière en tête, sans pansement ni bandage. Weil suivait, toutes blessures à l'air, son grand caramel, comme il le disait lui-même, étalé à la face du monde. quant à moi j'avais recouvert mes blessures de mon bandeau noir, qui en cachait l'essentiel.
    Le lupanar se trouvait à quelques minutes à pied du Val-de-Gr‚ce, dans une petite rue proche de Montparnasse, au fond d'une cour sur laquelle donnaient des ateliers d'artistes.
    Nous rest‚mes quelques minutes à observer la porte de l'antre. Il en sortit deux bourgeois.
    Notre affaire ressemblait en tout point à un coup de main. Ce n'est qu'une fois la voie libre que Penanster fit mouvement vers la porte. Il s'immobilisa et, avant de frapper le heurtoir, il se retourna vers nous et murmura, comme pour se convaincre lui-même
    - Il n'y a rien de plus impitoyable que le regard d'une prostituée, n'est-ce pas?
    Weil répondit que, tant que nous n'avions pas de belle-mère, il était difficile de se prononcer.
    La mère maquerelle qui ouvrit la porte était tout à fait conforme à ce que nous étions en droit d'attendre: une tête de poisson fardée pour le carnaval, la peau distendue au point de faire balcon à tous les étages.
    L'endroit était de

Weitere Kostenlose Bücher