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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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extraordinaire talent et d’une imagination délirante. Il a construit un automate et l’a présenté à la cour à Pavie. Ce lion a ouvert sa gueule devant sire François, l’inondant de pétales de lys ; l’instant d’après ses flancs s’écartaient pour déverser des corolles d’un bleu profond qui nous émerveillèrent. Par quelle magie il a pu teindre d’aussi délicats pétales est une question qui brûle toutes les lèvres depuis. Cependant, je soupçonne fort sire François de s’intéresser davantage aux travaux guerriers de l’homme qu’à ses élans bucoliques. Moi-même, je l’avoue, l’ai trouvé fort intéressant. Il se propose de fabriquer des chars couverts, de même que des bombardes très commodes et faciles de transport qui enverraient des projectiles légers et dont la fumée causerait grande épouvante chez l’ennemi. Il prétend que nombre de ses machines de guerre sont à l’état de plan et qu’il ne désire qu’une aide financière pour prouver leur efficacité. Le croirez-vous, mais le bonhomme a imaginé rien de moins qu’une machine volante capable de permettre à l’homme de se déplacer tel un oiseau. Soit ce vieillard est fou, soit c’est un génie et, parbleu, pour l’avoir rencontré, je gage que notre bon roi serait plus fou encore de ne pas s’intéresser à ce phénomène.
    –  Ma foi, affirma Rudégonde, devant tel enthousiasme je ne peux que me ranger à pareil avis. D’autant qu’il me donne le plaisir de votre visite.
    –  Ce serait trahir la constance de votre amitié que manquer de vous voir. N’avez-vous point besoin en ces temps de quelque finance ? ajouta-t-il en baissant ostensiblement le ton.
    Pas assez cependant pour qu’Isabeau n’entendît point. Elle s’était remise au travail et tentait de métrer une étoffe reçue le matin même à l’aide d’une règle de bois, mais elle s’emmêlait dans ses calculs, l’oreille collée malgré elle aux indiscrétions de sa patronne. Entre le couple et elle, seules quelques toises et une tenture marquaient une distance de bon usage.
    –  Les affaires vont bien, répondit Rudégonde sur le même timbre, toutefois, vous le savez, pour satisfaire personne aussi exigeante que le roi, il me faut trouver les toiles les plus fines, les plus rares aussi. Elles ont un coût fort élevé. Il m’ennuie cependant de vous demander créance.
    –  Vous me servez en servant le roi, Rudégonde. L’affection que je vous porte est bien au-delà de médiocres tractations. Prenez et faites usage au plus sage.
    –  Ah ! messire, vous êtes bien le plus galant homme de cette Cour. M’aimez-vous toujours un peu ?
    Isabeau entendit le rire clair de Jacques de Chabannes. Elle tourna la tête vers la tenture. En ombre chinoise, elle vit le maréchal enlacer l’imposante lingère et poser sur ses lèvres un baiser chaste.
    –  En doutez-vous, sotte dame ?
    L’instant suivant la tenture s’écartait, et Isabeau, les joues en feu, baissait son nez sur son comptage, sans parvenir à retrouver le moindre chiffre. Leurs pas s’avancèrent jusqu’à elle.
    –  Restez-vous longtemps ? demandait encore Rudégonde.
    –  Je repars bientôt, hélas, escorter la reine Claude et la régente Louise de Savoie. Nous devons rejoindre le roi à Sisteron aux alentours du 13 janvier. Cela me laisse fort peu de temps à vous consacrer, mais croyez que pour rien au monde je ne manquerais cet office.
    Ce disant, il décocha un clin d’œil complice en direction d’Isabeau.
    Rudégonde en riant le traita de garnement tandis qu’il prenait congé d’un pas alerte. Lorsque la porte se referma sur une envolée glaciale de neige, Rudégonde poussa un soupir, un sourire mélancoliquement étiré jusqu’aux oreilles.
    –  Vous lui plaisez, Isabelle, affirma-t-elle, le regard fixé sur la porte.
    Isabeau s’aperçut que ses mains tremblaient sur le tissu ; elle les glissa aussitôt dessous pour les dissimuler à sa patronne. Mais celle-ci suivait le cours de ses pensées, accoudée au comptoir devant Isabeau.
    –  Il y a belle lurette que je n’ai vu briller pareille étincelle dans les yeux de ce mécréant. J’en avais été la source, mais cela fait longtemps, oui, bien longtemps. Il continue de m’enchanter, mais lui non plus n’est pas dupe. L’amour s’est enfui, Isabelle, ainsi va la vie. Je n’aime plus de lui que le souvenir de ses caresses. Mon travail a pris sur moi l’ascendant qu’il avait

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