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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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autrefois. Je lui dois tout, lors ne regrette rien. L’amitié est souvent plus précieuse que le reste. Il reviendra bientôt. Pas pour moi. Pour vous.
    Elle se retourna vers Isabeau. Il y avait une tendresse sage dans ses yeux, presque celle d’une mère, songea-t-elle, à moins que ce ne fût quelque élan désabusé. Mais Isabeau refusa d’y croire. Rudégonde était quelqu’un de direct, de vrai. Elle poursuivit d’ailleurs sans détour :
    –  Ne le repoussez pas si vous le trouvez à votre goût, Isabelle. Vous connaîtrez avec lui de grands bonheurs, c’est tout ce que je vous souhaite à l’un et à l’autre.
    –  Je ne sais pas si…, commença Isabeau pour dire quelque chose, mais Rudégonde l’arrêta d’un geste.
    –  Taratata, point de cela, ma jolie. Croyez-en mon expérience. Il vous fera sa cour et vous succomberez, car pas une en ce pays n’est capable de repousser pareil homme. A d’autres je dirais « méfiance », pas à vous, car je le sais, je l’ai vu : il vous aime déjà. Sachez-vous en servir et vous serez aussi fortunée et estimée que moi avant qu’il soit longtemps.
    La clochette suspendue au-dessus de la porte d’entrée carillonna, tandis qu’un vent glacial se frayait un passage au seuil de la boutique. Une dame imposante grotesquement vêtue s’encadra dans l’embrasure, et Rudégonde esquissa une grimace à l’intention d’Isabeau, avant de se précipiter au-devant d’elle.
    Isabeau replongea la tête dans son métrage. L’arrivée de la duchesse de Blois avait coupé court à leur échange, mais elle se sentait bouleversée. Elle n’avait jamais imaginé pouvoir être attirée par un autre homme que Benoît, ni même qu’il y ait un après-Benoît.
    Elle entendait parler de messire de La Palice depuis qu’elle avait mis les pieds dans la lingerie, autant par Rudégonde que par les filles dont elle savait qu’elles n’avaient rien perdu de la scène depuis l’œilleton discret dans l’arrière-boutique. Elle s’était imaginé La Palice de mille façons selon les airs de l’une ou de l’autre, elle s’apercevait là pourtant que rien ne collait à la réalité. Il l’avait troublée, au premier regard, comme jamais elle ne l’avait été, pas même par Benoît. Peut-être était-ce la conséquence de sa nouvelle vie ? Elle l’ignorait, mais s’accordait à constater que jamais auparavant elle n’avait été autant entourée, appréciée et heureuse. Bertille et l’abbé prenaient soin d’elle à Nostre-Dame, Croquemitaine et les gueux la vénéraient, Rudégonde, au vu de ses aptitudes, lui avait confié l’accueil en boutique et la façon pour deux clients. Tout allait au mieux, malgré la froidure d’un hiver sournois qui collait des engelures et des toux pernicieuses.
    Elle songeait souvent à Albérie et à Loraline. Surtout à Loraline. Elle s’imaginait que François de Chazeron n’était plus et que sa fille n’attendait que le printemps désormais pour entamer une vie nouvelle. Elle se promit de retourner vers elles. Aux beaux jours. Ce ne serait pas facile bien sûr d’affronter le courroux de la jouvencelle, mais Isabeau lui expliquerait, et peut-être comprendrait-elle combien sa mère avait eu besoin de cette deuxième chance, de cette renaissance. Peut-être alors serait-il temps de nouer de véritables liens entre elles, en lui faisant découvrir sa nouvelle identité et ses nouveaux amis.
    Isabeau s’aperçut soudain qu’elle souriait, penchée au-dessus de l’étoffe, de ce sourire instinctif des heures paisibles et rassurantes. Et à bien y réfléchir, l’intérêt de messire de La Palice n’y était pas étranger…

14
     
     
     
    –  Assez, voulez-vous, messire, vous me faites mourir ! supplia Isabeau en essuyant ses yeux avec un mouchoir rehaussé de dentelle.
    Aux coins de sa bouche retroussée en un fou rire, de fines rides creusaient deux fossettes qui vibraient à l’unisson.
    Messire de La Palice, un pied négligemment posé sur une pierre, s’appuyait avec élégance sur le pommeau de son épée, drapé dans un plaisir non dissimulé. Isabeau riait, et pour ce rire spontané qu’il espérait tant, en cet instant sublime, il se serait damné.
    –  Non point, damoiselle, vous me faites trop souffrir de vous moquer de mes déboires, affirma-t-il en roulant des yeux ronds, comique.
    Isabeau se détourna de lui sans chercher davantage à refuser ce pouffement qui lui échappait

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