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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pousser un soupir à fendre l’âme.
    –  Et l’abbé Boussart ? Qu’est-ce qu’il va dire, l’abbé Boussart ?
    –  Rien, il ne dira rien parce que tu ne le lui diras pas, voilà tout ! Oh, s’il te plaît, Bertille. Vois comme je suis heureuse. Tu m’as si souvent répété qu’ici je n’avais que des amis, que ma vie devait sourire à demain, que le bonheur était dans la confiance et le partage… J’ai fini par le croire. Aide-moi à regagner tout ce que j’ai perdu. Sans me fâcher.
    La naine bouda un instant encore puis, lorsqu’Isabeau ouvrit ses bras, finit par s’y précipiter, posant sans façon sa tête ronde sur le ventre de son amie.
    –  Il ne va pas aimer ça, Croquemitaine. Ça non, avait-elle grommelé encore. Mais le lendemain elle se prêtait au jeu et, de fort bonne humeur, aidait Isabeau à se parer.
     
    Lors ils étaient au bord de la Seine sous un ciel d’azur dans lequel s’arrondissait un soleil franc et complice. La neige avait fondu au passage des chevaux. Seuls les arbres en bordure du fleuve gardaient sur leurs branches nues cette parure fragile qui s’effondrait parfois en petits tas discrets à leur pied. Le froid était vif mais Isabeau n’en avait cure. Elle savait la morsure d’autres hivers bien plus tristes. Celui-ci avait une odeur de printemps.
    La rive était belle, active de promeneurs, de maraîchers, de passeurs. Ils la longèrent un moment en silence. Isabeau s’offrait aux bruits, aux parfums si différents de ceux qui avaient ourlé son enfance. C’était un autre monde et Jacques la laissait humer, tendre le cou et l’oreille, se contentant de la couvrir d’un regard fiévreux et d’enchaîner plaisanteries et histoires pour le bonheur d’entendre son rire. Ils s’arrêtèrent devant une carriole où, sur un brûlot, un vieil homme faisait griller des châtaignes.
    Isabeau le reconnut aussitôt, elle l’avait vu à la cour des Miracles. Tandis que La Palice payait une ample portion, l’homme lui décocha un clin d’œil complice.
    Croquemitaine avait suivi ses conseils et averti sa brigade. Sans aucune véritable raison, cela lui fit plaisir. Grâce à eux tous, elle se sentait en sécurité partout, où qu’elle aille.
    –  C’est, je crois, le plus beau jour de ma vie, avoua-t-elle en s’éloignant du charreton, tandis qu’elle saisissait un marron chaud dans le cornet acheté par Jacques.
    Ils allèrent s’asseoir sur un banc adossé à un arbre qui ployait ses branches givrées au-dessus de l’eau.
    La Palice entonna une autre histoire sur un rythme indécent. Derrière eux, à quelques mètres en retrait, on percevait le pas des chevaux et le grincement des roues des voitures sur les pavés. Mais Isabeau n’entendait plus que son propre rire, comme s’il avait réussi à se frayer un passage de ses pieds à ses mains, de ses mains à ses yeux, de ses yeux à sa bouche, comme s’il n’en finissait plus de laver cet intérieur que le destin avait sali.
    Elle se leva pour moucher son nez, résolue à ne plus regarder La Palice, pour apaiser son hilarité tenace, et s’avança jusqu’à la rive. Il la rejoignit aussitôt et posa doucement ses mains sur ses épaules, tout contre elle, l’obligeant à lui faire face. Isabeau riait trop encore pour se méfier. Elle se retrouva dans ses bras sans avoir seulement compris comment elle y était venue. La voix, chaude et caressante l’enveloppa : « Je vous aime, Isabelle ! » L’instant d’après, elle s’abandonnait tout entière à l’appel de ce murmure dans un baiser si tendre que ses jambes en oublièrent qu’elles touchaient le sol.
    Lorsqu’il lui laissa reprendre son souffle, elle ne riait plus, se souvenant à peine qu’elle s’était un jour appelée autrement qu’Isabelle. Elle voulut parler, mais il l’arrêta d’un baiser furtif. L’enserrant plus près encore contre son habit de velours :
    –  Chut, dit-il, ne répondez pas, ne répondez rien ! Je vous offre cet aveu comme vous m’avez offert votre bonheur. Qu’il vous porte, qu’il vous grise autant que moi ; le temps vous appartient, Isabelle. Si vous devez un jour être mienne, vous me le rendrez et je serai complet. Pour l’heure, laissez-le vous attendre, laissez-moi vous apprendre.
    Il l’embrassa encore, mais cette fois elle l’espérait. Elle noua à son tour ses bras autour de son cou et se noya dans cette étreinte sans se soucier du regard des badauds. Puis doucement,

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