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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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béquille, il avait exploré la salle souterraine qui s’était avérée plus vaste qu’il n’aurait cru. Une seule partie lui avait été interdite par Cythar. Le vieux loup, lorsqu’il s’était avancé, s’était mis en travers de sa route en grognant. Philippus n’avait pas insisté. D’ailleurs, Loraline ne s’y aventurait jamais.
    –  Ma mère et ma grand-mère reposent au-delà de ces pierres, lui avait-elle confié après avoir remarqué l’attitude de Cythar. Moi non plus, il ne m’autorise pas à pénétrer dans la pièce mortuaire. Comme s’il se voulait le gardien de leurs dépouilles. Je respecte sa volonté. Lorsque mère me manque trop, je laisse la flamme d’une bougie monter au ciel. C’est un peu de mon amour qui la rejoint alors. Ne t’approche pas de leur tombeau, Cythar ne te ferait pas de mal, j’en suis sûre, mais rien ne sert de le braver.
    Philippus avait accepté comme elle avait accepté.
    Cela faisait à présent trois mois qu’il vivait ainsi, plus heureux qu’il ne l’avait jamais été. Plus amoureux aussi. Ils n’avaient pas reparlé de la louve grise. Elle n’avait pas reparu. Loraline en avait été affectée : car c’était la première fois qu’elle manquait leur rendez-vous de pleine lune. Philippus l’avait consolée, à sa manière, en la bélinant. Ils s’apprenaient mutuellement.
    Ses blessures se cicatrisaient grâce aux onguents et aux potions qu’elle lui administrait. Parfois il avait le sentiment que son savoir à elle était immense au regard de ses propres connaissances. Ce qu’elle était et représentait donnait un sens concret à sa quête. Une quête dont la seule vérité était l’amour.
    Les premiers jours, il s’était demandé comment le temps pourrait passer sans qu’il finisse par s’ennuyer de la lumière du jour, de tout ce qui constituait auparavant son quotidien. Il s’aperçut vite qu’il n’aurait pas assez de cinq lunes pour faire le tour des fantastiques connaissances acquises par la jeune fille.
     
    Et puis survint ce matin de janvier 1516. Un matin semblable aux autres. Philippus s’était étiré sur sa couche en prenant soin comme chaque jour de ne pas brusquer ses gestes pour ne pas la réveiller, car il s’éveillait toujours avant elle. Cette fois cependant il ne la sentit pas contre lui. Il tourna la tête et s’avisa de son absence. Il en fut troublé. Non qu’il se fût habitué à ce rituel, au contraire, mais ce vide à ses côtés était presque douloureux soudain. Il se dressa. Cythar dormait au pied de la paillasse, serein. Philippus prêta l’oreille. Une toux caverneuse et lointaine suivie d’un spasme retentit dans le silence. Loraline vomissait. Il se leva et, allumant une torche, se guida au bruit le long d’un boyau qui partait sur sa droite. Il savait bien où il conduisait : à une sorte de bassin au fond duquel coulait un filet d’eau. Ils s’en servaient de latrines. Non loin, un deuxième trou en amont permettait de prendre un bain de siège. C’était une de ces curiosités de la nature que Philippus avait bénie dès son premier jour. L’eau y était impropre à la boisson mais, pour ce qui était de cet office, elle servait à merveille et il se souvenait n’avoir connu que peu d’endroits au confort plus éloquent.
    Loraline se trouvait engrouée au-dessus du ruisselet, le corps secoué de spasmes. D’une main elle retenait ses longs cheveux noirs, de l’autre elle crispait ses doigts sur une pierre à sa droite pour se tenir.
    Philippus ressentait encore des tiraillements dans le haut de sa cuisse et dans le genou, là où les ligaments avaient été arrachés, mais il avait retrouvé son allant, même s’il boitait un peu. Lorsqu’il accéléra le pas pour la rejoindre, il se mordit la lèvre sous les élancements pernicieux qui l’assaillirent aussitôt. Il refusa de s’y soumettre et toucha l’épaule de Loraline alors qu’un nouveau spasme la pliait au-dessus du trou. Il aurait voulu s’agenouiller à ses côtés, mais c’était encore un mouvement que sa jambe maîtrisait mal. Il se contenta d’attendre qu’elle ait repris son souffle en lui pétrissant la nuque et les omoplates pour la soulager de son mieux.
    –  Ce n’est rien, finit-elle par bredouiller en se redressant. Rien du tout.
    Mais Philippus était inquiet. Il se souvenait trop bien des souffrances de François de Chazeron.
    –  As-tu testé quelque médication de ta mère ?

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