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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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qu’elle avait eu soin de préparer pour cette occasion. Bertille tenait la main de la gitane et souffrait en même temps qu’elle. On eût dit qu’elles accouchaient ensemble. Au matin lorsque l’enfant cria, les deux mères s’embrassèrent et s’étreignirent avec tendresse. C’était un garçon joufflu et chevelu, de taille normale, qu’elles prénommèrent François-Constant d’un même accord.
    Lorsque Croquemitaine fut autorisé à entrer dans la chambre, longtemps dévastée par les cris, il pleurait. Et Isabeau ressentit douloureusement combien lui avait manqué ce bonheur d’un père prenant pour la première fois son enfant dans ses bras.
    Elle les quitta dans la matinée, en promettant de venir dès le lendemain pour le baptême du petiot dont elle était marraine. Ce jourd’hui, elle avait à faire. Cette naissance avait mis fin à ses derniers doutes, à ses dernières peurs. Il était encore temps pour elle de recommencer. Tout. Y compris sa maternité.
     
    Lorsque la litière de Jacques de Chabannes s’arrêta devant sa porte ce soir du 13 avril 1516, elle était prête, toilettée, coiffée et parfumée de frais. Jacques l’embrassa passionnément et elle lui rendit son baiser avec la même fougue.
    –  Vous m’avez manqué, messire, ajouta-t-elle sur ses lèvres.
    –  Je vous aime, Isabelle, répondit-il dans un souffle.
    Il l’enlaça tendrement contre lui et Isabeau put deviner contre son ventre l’intensité de son désir.
    –  Vous souvenez-vous, demanda-t-elle dans un murmure contre son oreille, de cette conversation que nous eûmes avant votre départ ?
    –  Je m’en souviens…
    –  Je crois que je n’ai jamais été aussi prête…
    –  En êtes-vous sûre ? Je vous attendrai le temps qu’il faudra !
    –  Renvoyez votre voiture, messire, on ne nous dérangera pas chez moi.
    Il s’écarta d’elle, jaugea son sourire et sa détermination, puis sortit quelques secondes pour donner congé au laquais. Lorsqu’il la rejoignit, Isabeau tira le verrou derrière lui.
    –  Vous voici mon prisonnier, messire, affirma-t-elle en plaisantant.
    –  De ma vie, puisse Dieu ne jamais m’enfermer dans geôle plus terrifiante.
    Il l’attira de nouveau contre lui.
    –  Vous tremblez.
    –  Vous saurez vaincre ce dernier sursaut d’appréhension.
    –  Pour l’amour de vous, je vaincrai chacun des ennemis qui tenteraient de vous empêcher d’être heureuse.
    –  Alors réapprenez-moi, murmura-t-elle comme il perdait sa bouche dans l’échancrure de son cou.
    Il ne répondit pas, mais ses doigts experts détachèrent les lacets qui retenaient son corset sans même qu’elle eût conscience qu’ils desserraient leur étreinte. L’instant d’après elle se retrouva nue dans la lumière voilée par les épaisses tentures qui les isolaient de la rue. Elle se découvrit jolie dans son regard et, tandis qu’il l’emportait ainsi dans ses bras jusqu’à sa chambre par l’escalier, elle se sentit revivre, comme si Isabeau n’avait jamais existé et qu’il ne restait d’elle que cette Isa nouvelle. Cette Isa devenue véritablement et définitivement belle.
     
    Philippus parvint en Suisse courant mai 1516. Il fut bien aise de vérifier que l’on ne s’était pas inquiété de son silence, l’hiver ayant été rigoureux de part et d’autre des Alpes. Il apprit tout ce qu’il avait ignoré : que le roi François de France avait signé un traité garantissant la neutralité de la Suisse dans les conflits concernant la France, que la politique des deux pays avait de fait scellé l’entente commerciale, que les malades avaient été nombreux et que l’on se félicitait de sa promotion. Il avait raconté ses différents périples, heureux de se retrouver dans une vraie maison, devant un feu garni, savourant la cuisine suave de la servante de son père sous le regard bienveillant de celui-ci. Puis il parla d’elle, raconta qu’elle était fille d’un coutelier thiernois et d’une lisseuse, qu’elle était la plus jolie et la plus aimable des femmes, qu’il était éperdument amoureux et voulait l’épouser puisqu’il avait eu l’audace de la convaincre de l’aimer et l’avait honteusement déshonorée.
    Son père tiqua :
    –  Pourquoi en ce cas ne t’accompagne-t-elle pas ?
    –  Je l’ai laissée aux bons soins des siens pour régler mes affaires et vous annoncer nouvelles. Elle est grosse déjà et ne voulait pas risquer une fausse

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