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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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paiera.
    « C’était la première fois que j’entendais ce nom, mais j’ai compris que c’était lui, le monstre des terres du haut. Jamais à ce moment-là je n’aurais pensé qu’il était aussi mon père.
    « Mère a passé de longues journées sur le cadavre, elle transcrivait ses découvertes sur des parchemins, accompagnées de croquis. J’avais déjà vu semblables choses sur un autre cahier relié par des liens de chanvre. Mère avait dessiné un loup en première page. Grand-mère m’expliqua que la mère de Cythar avait été la première à être ouverte et examinée par mère. Elle voulait comprendre, pour pouvoir les soigner lorsqu’ils seraient malades ou blessés. C’est grâce à ce savoir qu’elle avait pu réparer ma jambe cassée. J’en ai conçu une grande fierté pour elle. Elle a fait des croquis de fleurs et de plantes dans les années qui ont suivi, préparé toutes sortes d’onguents et de mixtures.
    « Un matin, grand-mère a ramené tante Albérie. Mère et elle se sont enlacées longuement. Ensuite, elles ont conversé à voix basse, mais j’ai surpris à plusieurs reprises le nom de François de Chazeron. Puis tante Albérie a dit que Huc de la Faye la protégeait. Cela m’a rassurée. Si quelqu’un s’opposait au monstre, alors je ne risquais rien. Tante Albérie est venue nous voir souvent, mère riait davantage, c’était elle parfois qui m’attirait à elle et jouait avec les loups et moi. Tante Albérie la regardait alors d’un œil sévère.
    « Par la suite grand-mère est morte et mère a refermé la chambre mortuaire. Elle et Albérie ont gémi longtemps, pas moi. « La mort ne doit pas te faire peur », avait dit mère, alors je n’avais pas peur. Le chagrin vient avec l’idée de l’absence, pour moi cela ne signifiait rien. Lorsque grand-mère me manquait, je demandais quand elle allait revenir. Tante Albérie m’a expliqué quelques mois plus tard. C’est à ce moment-là que j’ai souffert.
    « A cette époque-là, mère a changé de nouveau. Tante Albérie pleurait beaucoup à chacune de ses visites, elle avait des cernes violets sous les yeux. Un jour, je lui ai demandé si le monstre des terres du haut lui avait fait du mal, à elle aussi. Son regard s’est durci et elle m’a ordonné de relever ma chevelure. Elle a passé ses doigts sur la plaque de poils qui s’y trouvait et s’est mise à ricaner avant de me répondre :
    « – Le monstre est en moi, Loraline, en nous !
    « J’ai reculé et je suis partie me cacher. Mère a élevé la voix contre sa sœur :
    « – Jamais, tu entends ! Jamais devant la petite !
    « – Il faudra bien un jour qu’elle sache qui elle est, a répondu tante Albérie.
    « Je me suis bouché les oreilles. J’avais peur soudain, sans pouvoir m’expliquer pourquoi, comme si je pressentais quelque chose de terrifiant, et puis Cythar s’est interposé, il a grogné, gémi entre elles. Elles se sont tues et se sont tournées vers moi, effrayée, à peine dissimulée par le rocher derrière lequel je m’étais réfugiée. Mère s’est approchée de moi, m’a ôté les mains des oreilles et m’a rassurée :
    « – Tante Albérie est quelqu’un de spécial, a-t-elle murmuré, mais jamais elle ne te fera de mal.
    « C’est à cette période que Stelphar est apparue pour la première fois. Mère m’a dit qu’elle reviendrait à chaque pleine lune, qu’elle veillerait sur nous et que grâce à elle nous n’aurions jamais rien à craindre.
    « Le temps a passé. Mère a continué à fouiller les secrets de la nature, comme si sa vie entière en dépendait. Elle y consacrait tout son temps, toute son énergie. J’ai appris qu’il y avait eu d’autres cadavres dans la montagne, mais mère ne les a plus rapportés. Après chacune de ces macabres découvertes, elle s’enfermait dans son antre, m’interdisait d’approcher. Je l’entendais pleurer, parfois crier dans ses cauchemars. J’ai fini par comprendre que le monstre lui avait fait du mal, à elle et à Benoît dont elle parlait souvent avec tante Albérie.
    « Les derniers temps, elle était devenue étrange. Je crois qu’elle sentait qu’elle allait mourir. Elle se mettait à l’écart, ne me repoussait pas lorsque je m’approchais, mais elle tournait la tête, et finissait toujours par s’échapper vers quelque besogne. Et puis elle a eu cette phrase terrible, un matin, juste avant de s’éteindre. Et ma vie à moi a

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