La chambre maudite
saura et nous traquera à notre tour. Rien ne doit changer, vous comprenez. Rien. Sortons de là. Jusqu’à cette nuit, il faut vous cacher avec Cythar. Venez.
Sans lui laisser d’autre choix, elle l’entraîna. Même s’il comprenait ses raisons, Philippus se laissa pénétrer par l’étrange impression qu’elle ne tenait pas à ce qu’il s’approche de trop près de ces tombes. Le plus curieux était sans doute qu’à l’inverse des autres fois Cythar au contraire l’avait conduit là. Mais peut-être était-il simplement épuisé.
Il se laissa mener par un petit boyau à hauteur de genou vers une autre salle, moins vaste, au plafond orné de stalactites.
– Je viendrai vous chercher, affirma-t-elle en lui désignant du doigt une provision de viande et de fruits séchés sur des claies, à côté d’une barrique. Reprenez des forces et ne commettez pas d’imprudence. Il pourrait revenir n’importe quand. N’importe quand !
– Qu’allez-vous faire ?
– Me plier à ses ordres et agir comme si de rien n’était. Prendre des nouvelles d’Antoinette et lui donner le sentiment que j’ignore tout de l’existence de ma nièce. Ainsi peut-être parviendrai-je à glaner quelque information sur ses intentions. Je ferai tout, Philippus. Tout ce qui est en mon pouvoir pour la sauver. Vous devez me croire.
– Je vous crois.
Ils se dévisagèrent encore, sans animosité cette fois. Désormais ils poursuivaient le même objectif. L’instant d’après, il se retrouvait seul avec Cythar.
La barrique était emplie d’eau fraîche et Philippus comprit que cette réserve avait été aménagée en cas de danger, car dans un recoin se trouvaient une vingtaine de barrettes d’or ainsi que des vêtements de voyage masculins et féminins. De cette grotte, deux boyaux partaient en sens opposé, à ras de terre. Comme celui qui l’avait conduit jusqu’ici, ils permettaient à peine le passage d’un homme à quatre pattes.
Il soigna Cythar, lui donna à manger et à boire autant qu’il voulut, puis s’allongea sur une vieille paillasse et plongea dans un sommeil cauchemardesque, en se convainquant qu’il ne serait utile qu’au mieux de sa forme.
La journée se passa ainsi, longue et morose. Albérie constata à son retour que la garde avait été levée devant sa porte et besogna comme à l’accoutumée. Le seigneur de Vollore ne se montra pas, assignant un soldat pour lui porter mangeaille dans sa chambre. Aux questions qu’Antoinette lui posa, Albérie répondit qu’elle ignorait ce qui causait tourment à son époux, mais lui déconseilla de lui rendre visite pour le cas où il serait contagieux.
De fait, Antoinette n’en manifesta aucune envie. Il suffisait bien à son dégoût de le savoir dans la maisonnée. De plus, son ventre lui faisait mal. L’enfantement approchait, ce qui ajoutait à l’agacement d’Albérie. Il surviendrait vraisemblablement pour la pleine lune, et à cause de sa connaissance des simples et de ses talents de ventrière, Albérie devrait assister Antoinette. Que se passerait-il lorsqu’elle sentirait son propre corps se transmuter ? Elle refusa d’y penser. Elle trouverait une solution. Elle trouverait toutes les solutions en temps voulu.
– C’est le moment, allons-y !
Philippus ne se fit pas prier davantage. Cythar ouvrit résolument la marche tandis qu’ils empruntaient le passage menant à Montguerlhe. Ils obliquèrent à plusieurs reprises, chaque fois dans des boyaux plus étroits, guidés par l’instinct et le flair sans faille de Cythar lorsque les souvenirs d’Albérie lui faisaient défaut. Ils finirent à quatre pattes derrière l’animal qui par moments laissait échapper une plainte douloureuse. Eux-mêmes avaient la paume des mains et les genoux meurtris par les pierres.
Un instant Philippus se demanda comment ils pourraient faire marche arrière si le boyau s’obstruait, mais il se refusa à l’imaginer. Ils parvinrent au bout de quelques mètres contre une pierre dure et Albérie tendit un bras entre les pattes de Cythar pour actionner le mécanisme. Elle dut s’acharner de longues minutes, le souffle accéléré par le manque d’oxygène, jusqu’à ce qu’il lâche enfin et qu’une goulée d’air vicié leur éclate au visage.
Cythar bondit hors du passage et se précipita dans la pénombre. S’extirpant à son tour, Philippus se rasséréna de la voix de Loraline qui lui parvint de l’autre bout du
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