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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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eut-elle le sentiment qu’il ne parlait plus de ces réfugiés mais d’elle-même, de sa vie désagrégée, sinistrement inutile ? Oubliant son rang, Antoinette de Chazeron se réfugia contre le pourpoint de cuir épais sous le mantel de laine. Huc jeta un regard alentour pour se garantir de toute indiscrétion puis enserra tendrement la jeune femme dans ses bras, s’enivrant malgré lui de sa silhouette désarmée et fragile, quand il n’apaisait ses désirs charnels qu’en des pratiques solitaires depuis qu’il avait épousé Albérie. Conscient qu’il ne pourrait masquer plus avant son trouble, le prévôt repoussa doucement le corps chaud et éclaircit sa voix dans un toussotement.
    –  Reprenez-vous, je vous en conjure, ma dame, murmura-t-il ensuite en souriant. Ces gens ne doivent pas se laisser aller au désespoir qui creuserait leur tombe bien plus sûrement que les frimas. C’est dans notre force et notre espoir qu’ils puisent les leurs. Ils ont gardé la foi, ne la perdez pas vous-même. Tenez !
    Il lui tendit un mouchoir de toile propre, brodé à ses initiales, qu’il venait d’extirper de sa chemise.
    Antoinette s’en saisit en baissant les yeux, coupable autant de sa faiblesse que du plaisir qu’elle avait éprouvé à sentir Huc frémir à son contact. Elle essuya délicatement ses paupières puis se moucha en se détournant pour qu’il ne puisse remarquer le feu de ses joues.
    –  Si vous voulez forcer la nature et donner une chance à ces malheureux, insista péniblement la voix grave dans son dos, infléchissez les ordres de votre époux à propos des réparations de Vollore. Deux semaines suffiraient, si Béryl pouvait disposer de toute sa main-d’œuvre.
    Antoinette eut un spasme amer. Elle se tourna vers lui, un rictus désenchanté aux lèvres :
    –  Infléchir François ? Mais qui croyez-vous donc que je sois pour imposer ma volonté à mon époux ? Même la dernière des servantes aurait plus de talent que moi pour ce faire. Ce que le seigneur de Vollore veut, il l’obtient, mon ami, et il tient bien davantage à ce qu’il cache en son donjon qu’à ma misérable existence.
    Huc réprima un frisson de colère. Il voyait encore le visage d’Isabeau renversé et hagard sur le lit du maître tandis que, implacable, ce dernier lui ordonnait de la sacrifier aux loups. François de Chazeron n’avait pas changé au long de ces quinze années, quand son ressentiment à lui n’avait fait que grandir.
    –  Vous le haïssez, n’est-ce pas ?
    Huc comprit à cette question combien l’expression de son regard avait dû être éloquente. Il étudia une fraction de seconde celui d’Antoinette, mais n’y trouva qu’un éclair de plaisir. Alors il hocha la tête.
    –  Moi aussi, je crois, ajouta-t-elle en baissant le ton.
    Elle soupira profondément.
    –  Rentrons, voulez-vous ? lui lança-t-elle par-dessus l’épaule, d’une voix lasse.
    Huc se contenta de lui emboîter le pas.
     
    –  J’attends un enfant !
    Antoinette s’était préparée à un commentaire glacé, mais son annonce tomba dans le silence. François de Chazeron ne leva pas seulement le nez de son livre.
    « Encore un traité d’alchimie ! » songea-t-elle, amère, en dirigeant son regard vers les flammes de l’âtre pour dissimuler celles de sa colère.
    Pour quelle raison puisait-elle en elle, ce soir, toutes les audaces ? Peut-être était-ce ce sentiment, pour la première fois de son existence, d’avoir été véritablement comprise par quelqu’un au point, l’espace d’un instant, d’avoir partagé le même émoi.
    Elle avait croisé Albérie en rentrant et ne s’était nullement sentie coupable à son égard, elle l’avait même toisée en lui réclamant un lait chaud, simplement parce qu’il lui avait semblé que Huc était mal à l’aise. Antoinette s’était aussitôt imaginé qu’il éprouvait pour elle bien davantage qu’un désir passager et cela l’avait brusquement rendue sûre d’elle. Albérie n’avait manifesté aucun sentiment, comme à son habitude, comme si rien ni personne ne l’intéressait.
    « C’est elle que François aurait dû épouser, se prit à songer Antoinette. Elle est aussi fermée, insensible et égoïste que mon époux ! »
    Sur ce constat, elle se laissa aller dans un fauteuil face à François. Il n’avait pas besoin d’elle. Huc si ! Alors elle insista, pour aller jusqu’au bout de sa velléité de rébellion.
    –  Je

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