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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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bienveillance.
    Huc lui tendit la main et elle vint s’asseoir comme à l’accoutumée à ses côtés, pour nicher son front sur son épaule. Ils restèrent ainsi un moment, bercés par le crépitement du feu qui auréolait les murs d’ombres dansantes. Huc se sentait bien. Il avait eu envie de sa présence, de leur complicité, après avoir tenu Antoinette de Chazeron dans ses bras, sans véritablement ressentir de culpabilité à l’égard du désir qu’il avait éprouvé. L’affection qu’il portait à Albérie était tout autre, quelque chose d’intangible que le poids du secret rendait plus unique encore.
    –  Je t’aime, Albérie, murmura-t-il spontanément, ému malgré lui par la douceur de l’instant qu’ils volaient au regard des autres, sans espérer toutefois d’autre écho à son aveu que le silence.
    Albérie ne s’étendait jamais sur ses sentiments, mais il savait qu’elle l’aimait aussi, malgré tout.
    –  J’ai besoin de ton aide, Huc.
    C’était la première fois. Huc tourna vers elle un visage empreint de surprise. Albérie souriait encore, d’un sourire triste et tendre à la fois. Inhabituel. Huc en ressentit une impression de malaise, malgré le plaisir qu’il éprouvait à cette prière.
    –  Tout ce que tu voudras, s’entendit-il répondre avec sincérité.
    Il avait tant fait pour elle qu’elle n’avait jamais demandé. Pourtant, la nouvelle le poignarda :
    –  Isabeau est morte !
    La voix d’Albérie s’était brisée. Huc déglutit péniblement. Une seule fois en quinze ans, il avait revu Isabeau. Il s’en était allé dans les bois pour tenter de retrouver un de ses chiens qui n’avait pas reparu après une battue au sanglier. Des manants lui avaient affirmé avoir entendu un animal aboyer, non loin de l’endroit où il avait perdu sa trace. C’était le meilleur de ses limiers. Il n’avait pas voulu le laisser à la merci des loups. Brusquement, il avait entendu un rire de femme trop avant dans la forêt pour être de quelque ribaude. Attachant son cheval à un arbre, il s’était approché, en prenant garde, le cœur battant. Au pied de la falaise, une source formait un abreuvoir naturel que la rivière emportait en grossissant vers les terres cultivées. Isabeau s’y baignait avec une enfant rieuse aux longs cheveux noisette et au visage si fin, si puissamment conforme à ses souvenirs, qu’il en avait été bouleversé. Si l’enfant de sept ou huit ans était le portrait de la femme-enfant violée par François de Chazeron, Isabeau quant à elle paraissait une autre, sans âge, le visage durci et les seins violacés, le corps alourdi, usé par les privations. Sur la berge, à quelques mètres d’elles, deux loups veillaient, paisiblement couchés. Huc s’était fait tout petit pendant quelques instants, contemplant leurs jeux et leurs rires, puis, craignant que le vent ne finisse par porter son odeur au-devant des bêtes, il s’était éloigné, le cœur gros. Albérie avait toujours refusé qu’il revoie Isabeau, même après que l’aïeule fut morte en emportant avec elle cette interdiction. Isabeau s’était coupée du monde, persuadée que tous ignoraient qu’elle avait survécu et qu’elle avait donné naissance à l’enfant de Chazeron.
    « Elle ne sait pas que tu sais, avait annoncé Albérie gravement, le jour où il avait demandé à lui rendre visite. Ne transgresse jamais son interdit. Isabeau n’est plus celle que tu as connue, Huc. » Huc avait accepté ce choix, sans discuter. Il n’avait jamais raconté à Albérie cette image de bonheur fugace entr’aperçue, car ce jour-là il avait compris combien elle avait raison. Isabeau n’avait plus besoin des hommes.
    Et pourtant l’idée de sa mort lui faisait mal, tout comme pendant de longues années lui avait fait mal l’idée de sa survie.
    –  Quand est-ce arrivé ? se contenta-t-il de répondre, oscillant entre la rage de l’injustice et le réel chagrin qui pesait soudain sur ses épaules.
    –  Il y a trois jours, au dire de Loraline.
    –  Juste avant la pleine lune, déglutit Huc. Oh, mon dieu ! Albérie, tu…
    Mais Albérie l’empêcha de terminer sa phrase en apposant un doigt glacé sur ses lèvres. Son regard métallique s’ornait de mélancolie.
    –  J’ai attendu que l’aube me délivre de cette apparence que j’exècre, ensuite j’ai aidé ma nièce à la mettre en terre, au côté de notre grand-mère. C’était un cérémonial

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