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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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transformer, mais elle, Albérie, était de sa race, elle le savait depuis sa naissance, et avec la puberté cela n’allait pas tarder à se manifester. Après s’être réjouie de retrouver sa sœur, sa grand-mère et même cette enfant sauvage, sa nièce Loraline, endormie entre les pattes d’un loup nommé Cythar, Albérie avait été terrorisée, mais la Turleteuche l’avait guidée. Les trois premières fois, elle aurait besoin de sang humain, ensuite la soif s’apaiserait et elle pourrait se contenter d’animaux nobles ou de moutons. Elle n’avait rien à craindre. Désormais, elle avait une famille. Albérie avait fini par se rassurer, malgré cette étrange lueur dans le regard d’Isabeau, cette lueur entre la haine et la folie. Ensuite la Turleteuche lui avait enseigné le secret du souterrain depuis cette pièce jusqu’à la forêt proche.
    Huc avait écouté sans broncher, le sang glacé et les poils hérissés sur ses bras qui encerclaient les épaules de son épouse. Elle s’était assise près de lui sur le lit recouvert de peaux de lapin, et l’odeur forte du cuir tanné lui avait renvoyé un instant la vision de cette louve aux babines retroussées.
    Comme si elle avait pu lire dans ses pensées, Albérie s’était tournée vers lui et avait planté un regard gêné dans le sien.
    –  C’est ton odeur, avait-elle dit, ton odeur qui m’a arrêtée. Alors quelque chose de plus fort que l’instinct m’a éloignée. Cette nuit, je suis devenue la Turleteuche à mon tour, gagnant ce surnom de femme-loup que mon aïeule s’était trouvé.
    Il y avait eu un silence durant lequel une foule de questions avaient envahi Huc. Il n’en avait posé aucune. Puis la petite voix s’était faite tremblante :
    –  Tue-moi, avait-elle dit, mais ne livre pas les miens au seigneur de Vollore…
    Alors il avait senti son cœur lui faire mal, il lui avait empoigné le visage entre ses larges paumes et, sûr de son fait jusque dans l’âme, avait grommelé avant de l’embrasser sur le front :
    –  Jamais ! Jamais ! Ma vie durant !
    –  Messire Huc ?
    Huc sursauta. Tout à ses souvenirs, il n’avait pas entendu frapper à la porte, ni la servante toussoter derrière lui.
    –  Messire Huc ? insista-t-elle tandis qu’il ébrouait sa mémoire et cherchait un sourire.
    –  C’est messire François. Il vous fait mander partout et semble fort en colère de ne point vous voir à lui, récita-t-elle.
    Curieusement, Huc s’en réjouit et partit d’un rire nerveux en emboîtant le pas à la damoiselle. François de Chazeron était de retour à Montguerlhe et quelque chose laissait présumer au prévôt que l’heure des comptes avait sonné.

2
     
     
     
    Antoinette de Chazeron tournait et retournait ses mains blanches l’une dans l’autre pour les réchauffer, sans parvenir toutefois à garder la moindre chaleur dans ses veines. Elle s’était portée au-devant des miséreux, secondant Huc de La Faye et le nouvel abbé du Moutier, Antoine de Collonges, dans la distribution des pains qu’elle avait fait préparer en nombre. Elle s’acquittait de son mieux de cette tâche depuis que, subjuguée par la beauté froide de François de Chazeron, elle s’était attendrie à le laisser demander sa main. Il s’était montré plein d’empressement et de tact durant sa cour, semblant peu intéressé par la parentèle de son père avec le duc de Bourbon et moins encore par sa fortune, tout entier au plaisir de sa compagnie. Antoinette était une jouvencelle de dix-sept ans, et le bonheur la transportait d’être l’épouse de ce fier seigneur.
    Il ne lui avait fallu que quelques mois pour déchanter. Le pays thiernois était sinistre, bien loin du faste de Paris. Elle se souvenait de ses troubadours, ses foires, ses saltimbanques, et ses poètes maudits jetant sur la cité un voile d’impertinence par des pamphlets qui tour à tour amusaient et agaçaient la Cour.
    Vollore était triste. Elle aurait bien organisé quelques festivités, mais ses proches s’étaient éloignés aux prémices d’un hiver qui emprisonnait le pays thiernois au cœur des volcans d’Auvergne. Son seul moment de bonheur avait été les retrouvailles avec sa mère et ses sœurs, lorsque, lasse des interminables séjours de François dans le donjon dont il lui défendait l’entrée, elle leur avait rendu visite.
    Sitôt revenue pourtant, son époux lui avait interdit de s’absenter à nouveau. Autoritaire et

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