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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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entendait maints récits parlant de bonnes gens qui s’étaient aventurés seuls en espérant passer inaperçus. On retrouvait parfois au bord des routes leurs corps dépecés par les charognards.
    Pour l’heure, le père Boussart lui avait assuré qu’elle était en sécurité à Nostre-Dame. Avant qu’elle ait pu poser toutes ses questions – y compris sur Croquemitaine – l’abbé l’avait invitée à se reposer dans sa chambre. Isabeau s’était laissé conduire, son maigre bagage sur l’épaule, enroulé dans un vieux tissu qui avait appartenu à sa grand-mère : une brosse aux poils jaunis et au manche de buis ainsi qu’un peigne assorti d’un petit miroir enchâssé dans une fine coulée d’argent. C’était là son seul trésor, mais elle y tenait plus qu’à tout au monde. Benoît les lui avait offerts quelques mois avant leurs fiançailles, en dansant d’un pied sur l’autre, l’air pataud.
    Il les avait façonnés de ses mains et elle les avait emportés dans sa fuite avec lui. C’est Albérie qui les lui avait rendus. Elle les avait trouvés dans la chambre maudite après que François était reparti pour Vollore. De son bonheur perdu, c’était tout ce qui lui restait. Tout ce qui l’avait aidée à vivre. Avec sa vengeance.
    Pour l’heure, elle ne songeait qu’à son nouvel univers. La pièce était étroite, à peine une mansarde située dans une bâtisse attenante à l’imposante construction. Pour y parvenir, ils avaient dû traverser la cathédrale et gravir un escalier. Jamais Isabeau n’avait vu plus grande splendeur, et la douceur des courbes, la richesse des vitraux, la sobriété et tout à la fois l’exubérance des détails avaient joué leur rôle et pénétré cette carapace sordide que ces années de rancœur et d’infortune avaient façonnée. Sans même s’en apercevoir, elle s’était retrouvée rayonnante devant la porte basse qui s’ouvrait sur la chambre. Le lit était sobre et surmonté d’un crucifix retenu par un clou, mais c’était un vrai lit, au matelas bourré de paille fraîche et aux couvertures épaisses.
    Elle en aurait battu des mains comme une enfant. A côté de la souillure de son terrier, ce lieu s’apparentait à la chambre d’une reine.
    –  Vous y serez à votre aise. Nul ne contrôlera vos allées et venues. D’ailleurs, nul ne vient ici. Cette chambre a servi de refuge à une dame de haut lignage il y a quelques années, alors qu’elle cherchait à échapper aux avances trop empressées du frère du roi. Ce n’est plus un secret pour personne depuis qu’elle s’est jetée du haut de la coursive.
    Sur ces mots, l’abbé l’avait entraînée jusqu’à la rambarde de pierre pour jouir de la vue. Isabeau écarquilla les yeux devant tant de beauté. A ses pieds, déployant ses ruelles autour des îles de la Seine bourdonnantes d’activité, la vieille ville lui faisait un tapis majestueux.
    Lorsqu’ils retournèrent dans la chambre quelques minutes plus tard, un plateau attendait, posé sur une table. On l’avait apporté discrètement. L’abbé prit congé, en lui souhaitant un bon appétit, sur la promesse qu’il la ferait quérir après l’office pour régler avec elle les modalités de son séjour.
    –  Paris, murmura-t-elle entre deux bouchées de viande. Je suis à Paris…
    –  Vous vous y plairez, damoiselle.
    Isabeau tourna la tête, surprise. Devant elle se tenait une toute petite femme qu’elle n’avait pas entendu entrer, toute à son émerveillement. « Décidément, pensa-t-elle dans l’instant, c’est le royaume des nains ici ! »
    –  Je suis Bertille, pour vous servir, la salua courtoisement sa visiteuse en une courbette presque grotesque.
    Isabeau pourtant ne s’en amusa pas. Elle n’avait jamais eu qui que ce soit à son service. Cela la gêna, mais comme elle ne parvenait à émettre le moindre son, elle se contenta de hocher la tête et d’avaler son morceau.
    La naine éclata alors d’un rire franc qui résonna.
    –  Je ne vous servirai pas parce que c’est mon rôle, dame Isabeau, finit-elle par dire en reprenant son sérieux. Je vous servirai parce que vous me plaisez et que vous plaisez à mon roi.
    Isabeau sentit le souffle lui manquer. Que savait donc le roi de France de son existence ?
    –  Non, non, répliqua sa visiteuse comme en écho à ses pensées, pas ce roi-là, le mien, le nôtre, celui des va-nu-pieds et des infirmes, celui des éclopés et des

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