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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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nous infligea, il y a longtemps, très longtemps qu’il aurait péri.
    Huc fit un pas en avant. Il n’était plus sûr de rien, soudain. Albérie avait dans le regard cette indéfinissable lueur qui irrésistiblement l’attirait vers elle. Elle se laissa choir sur le lit avec lassitude.
    –  Je suis si fatiguée, Huc, murmura-t-elle. Loraline se repent chaque jour de son acte et je n’ai pas, à ses côtés, la tendresse d’une mère. Elle a besoin de moi pourtant. Autant sans doute que j’ai besoin de toi.
    Il y avait deux petites larmes au coin de ses yeux. Huc sentit son cœur se serrer. Il s’approcha d’elle et l’attira contre lui. Albérie ne s’échappa pas. Au contraire, elle enroula ses bras noueux autour de ses épaules, de toutes ses forces, comme si elle craignait qu’il s’échappe. Huc sentit malgré lui une vague de désir le submerger. Ce n’était pas la première fois qu’il avait envie d’elle, mais cette fois cela le paniqua. Son corps oublié trop longtemps avait regoûté à la vie. Il réclamait son dû avec bien plus d’insistance.
    Albérie s’en était rendu compte, pourtant elle ne broncha pas. Doucement, il releva la lourde natte de ses longs cheveux bruns et glissa sa bouche le long de sa nuque. Il la sentit frissonner sous la caresse. Un instant le visage d’Antoinette pantelante brilla dans son souvenir, mais il le chassa avec violence, avant de s’emparer tendrement de la bouche de son épouse. « C’est la première fois », songea-t-il. La première fois qu’il l’embrassait ainsi et qu’Albérie s’abandonnait. Enhardi par sa propre audace, il l’allongea sur le lit en écartant les pans de son corsage.
    C’est alors qu’Albérie le repoussa. Il redressa son visage au-dessus du sien. Elle pleurait. Huc perçut son sang qui cognait à ses tempes. Son ventre lui faisait mal, pourtant il n’insista pas. A regret ses doigts s’effacèrent de sa gorge où il percevait le rythme irrégulier des battements du désir.
    –  Je le voudrais, Huc. Oh oui, je le voudrais, mais je ne peux pas, gémit-elle en détournant la tête.
    –  Tu ne m’as jamais dit pourquoi… se contenta-t-il de répondre en refoulant au fond de lui l’espoir insensé né de leur étreinte.
    –  Le faut-il vraiment ?
    C’était un murmure, mais Huc désirait plus que tout une explication.
    –  Je ne serai pas violent, Albérie, crut-il bon d’avancer comme si la peur seule pouvait constituer une barrière infranchissable.
    Le silence retomba, ponctué par les sanglots d’Albérie. Elle cherchait ses mots. Il y avait si longtemps qu’elle avait envie de les lui dire. Mais la vérité lui faisait mal, plus encore que ce désir qu’elle se refusait d’éprouver.
    –  Dis-moi, je t’en prie. Dis-moi.
    –  Qu’aurais-tu à faire, que pourrais-tu faire, Huc, d’un enfant qui naîtrait comme moi… ?
    Huc demeura la bouche ouverte, le souffle coupé. C’était si évident. Il n’avait jamais, au grand jamais, pensé qu’Albérie et lui pouvaient engendrer un monstre, et pourtant. La vision d’un nouveau-né au masque de loup lui donna envie de vomir. Il s’écarta de son épouse et se redressa. Il avait soudain besoin d’air.
    Alors qu’il se dirigeait vers la porte, la voix poignante d’Albérie le figea :
    –  Ne m’abandonne pas, Huc. Pas maintenant. Je t’aime.
    Quinze ans. Quinze ans qu’il espérait l’entendre le lui dire. Son cœur bondit dans sa poitrine, mais il n’était que violence et dégoût en cet instant.
    Il s’entendit prononcer d’une voix troublée :
    –  Ne t’inquiète pas. Moi aussi je t’aime.
    Puis il sortit et dévala l’escalier sans se retourner.
     
    Isabeau mangea de bel appétit. Le voyage qu’elle avait hâté l’avait épuisée, tant il y avait longtemps qu’elle n’avait pas cheminé à dos d’âne. Elle avait dormi dans les auberges et les haltes sur sa route, parcourant le plus de lieues possible dans la journée, se mêlant aux pèlerins et marchands qui depuis Clermont remontaient sur Paris. Ainsi, elle avait évité les désagréments d’une attaque de brigands. Il n’était pas rare, sur les routes principales, que des soldats soient mêlés aux voyageurs. Les bandes redoutées qui vivaient de rapines à l’orée des bois se montraient prudentes dès lors qu’un groupe comptait plus d’une vingtaine de personnes. Isabeau y avait veillé et s’en était félicitée. À l’étape, le soir, elle

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