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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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à cette légende de loup-garou. Même si, comme sa mère, elle possédait sur la nuque une touffe de poils gris.
    La jeune fille releva sa chevelure et y piqua un morceau d’os effilé pour la maintenir en chignon. Le corps douloureux d’être resté tendu sur sa besogne nocturne, elle se glissa nue dans le bassin naturel formé par un bras de la rivière souterraine, non loin de la source chaude qui renouvelait sans cesse ses eaux soufrées.
    Depuis quelque temps, elle ne songeait qu’à son but et à cette salle dans laquelle l’or des Anglais attendait son heure. Albérie lui avait montré comment sa mère faisait fondre les pièces, les transformant en petits lingots. C’était son trésor, le mieux gardé au monde, et lorsque la solitude lui pesait, elle se disait qu’avec cette richesse elle mettrait le monde à ses pieds, dès qu’elle pourrait regagner la surface. Dès que François de Chazeron aurait payé. Et ce n’était plus désormais qu’une question de jours.

9
     
     
     
    Huc repoussa délicatement le ventre à peine tendu d’Antoinette. Enceinte de deux mois, elle s’évertuait à dissimuler sous sa chemise ses rondeurs naissantes. Non que cela lui déplût, au contraire – cet enfant était pour elle le symbole d’une vie nouvelle, mais elle répugnait à offrir à son amant l’imperfection de son corps de future mère. Et cependant Huc ne s’en incommodait pas. Son attitude avait changé au fil de ces semaines, il était devenu infiniment doux et tendre, posant même parfois avec délicatesse son oreille sur le renflement tout juste perceptible de l’abdomen, comme s’il cherchait à deviner le moindre mouvement de cette vie à l’intérieur d’elle.
    Antoinette ne pouvait s’empêcher alors de songer qu’il ferait un père merveilleux pour son petit. Si son époux lui faisait la faveur de mourir cette fois, elle se débrouillerait pour chasser Albérie et épouserait le prévôt. Huc était de sang noble, même si, à cause de la perte de leurs biens pendant la guerre de Cent Ans, les siens étaient déchus.
    Une seule fois, elle lui avait demandé pourquoi lui-même n’avait pas d’enfant alors qu’il était marié depuis longtemps. Il avait serré les dents et grommelé qu’Albérie était stérile, à la suite de quoi il avait bredouillé de pâles excuses pour s’éloigner. Antoinette en avait conclu que c’était sans doute là le drame de ces épousailles. Elle comprenait mieux désormais certaines des réactions d’Albérie, sa mélancolie et sa réserve, comme le fait que Huc se soit aussi facilement éloigné de son épouse. Il venait de plus en plus souvent la rejoindre à la faveur de la nuit, puisque le mauvais temps leur interdisait des échappées champêtres. Il la couvait du regard, s’inquiétant de ses moindres soupirs, s’appliquant à son plaisir comme nul autre ne l’avait fait. Antoinette était heureuse, au point même d’avoir cessé de toiser Albérie. Elle ne lui en voulait plus de sa place, elle avait mieux et bien davantage. Le fait qu’à quelques pas de sa couche lascive son époux se mourait la laissait dans une indifférence totale. Les médecins s’occupaient de son cas. Au matin, elle avait les traits tirés et les yeux bouffis comme il seyait à une personne en peine. Elle ne pouvait qu’en remercier Huc. Huc et ses bons soins.
    Pour l’heure la nuit était calme. Depuis la fin de la tempête de neige deux jours auparavant, le ciel était clair et dégagé, offrant un froid vif dans un silence laiteux. Huc leva les yeux vers la croisée en dégageant son bras de dessous l’oreille d’Antoinette endormie. La pleine lune répandait une clarté d’opale, et le paysage immaculé prenait un aspect irréel et fantomatique. Huc sentit son cœur battre plus fort. S’il avait rejoint Antoinette cette nuit, c’était pour oublier. Mais il ne le pouvait pas. Il n’aurait su dire quelle heure il était, mais il savait que l’instant était proche, c’était devenu épidermique pour lui aussi. Un frisson qui courait sur sa peau, un tremblement dans chacun de ses membres.
    Malgré lui tout son être se tendit, attentif au moindre souffle, même si celui apaisant et rassurant de la châtelaine ronronnait à ses côtés. Et puis soudain il l’entendit. Le premier hurlement. Celui de la bête surprise, affolée, puis égorgée. Probablement un des moutons du château. C’était ainsi chaque hiver. Nul ne comprenait comment et

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