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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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grouiller à ses pieds. Au bout de quelques mètres, elle perçut la clarté vacillante d’une autre lanterne. Elle était fichée dans une anfractuosité de la pierre. En parvenant à sa hauteur, elle distingua des niches dans lesquelles se trouvaient des squelettes empilés. Elle ne put retenir un sursaut de surprise. Croquemitaine éclata d’un rire clair.
    –  Les morts sont bien moins à craindre que les vivants, belle Isa. Ceux-ci sont là depuis des siècles. On raconte qu’ils datent des temps où les Romains occupaient la Gaule, quand Paris s’appelait encore Lutèce. C’est sûrement vrai. Au-dessus de nos têtes se trouve le cimetière des Saints-Innocents. Mais voici, nous arrivons.
    Effectivement, devant eux se dessinait une nouvelle porte. Croquemitaine fit jouer le loquet, et un flot de lumière, de musique et de couleurs lui éclata au visage.
    –  Bienvenue à la cour des Miracles ! lança gaiement le nain en s’effaçant pour la laisser entrer.
    Dans la vaste salle de pierre qui s’ouvrait devant son regard éberlué, une quarantaine d’estropiés, mendiants et traîne-misère s’occupaient dans un désordre étonnant et routinier. Plusieurs cercueils reconvertis en tables accueillaient bouteilles et mangeaille destinées aux mains graisseuses des affamés, servis par quelques matrones débraillées qui riaient en se laissant peloter les fesses. Dans un coin, jetés pêle-mêle, cul contre tête, des enfants dormaient bouche ouverte sur des paillasses éventrées.
    Assis à même le sol, un grand rouquin jouait aux osselets avec un cul-de-jatte posé sur une planche de bois munie de roulettes. Là, des musiciens interprétaient une sarabande tandis que, drapée dans des foulards chatoyants, une brune voluptueuse arquait sa croupe en une danse enjôleuse sous le regard de quelques-uns qui tapaient dans leurs mains en cadence. Là encore, une jeunette donnait le sein à un nouveau-né joufflu tandis qu’une autre calottait à la volée un vaurien qui lui lançait des boulettes d’argile.
    Le regard d’Isabeau allait d’un coin à l’autre, ne s’attardant sur rien mais englobant tout, découvrant une misère gaie, goguenarde, crottée et étonnante.
    Et puis brusquement les notes se suspendirent : la gitane, dans un mouvement souple, venait d’apercevoir Croquemitaine. D’un pas léger, elle avait tourbillonné pour finir à genoux devant lui, prostrée en une révérence respectueuse. Comme si ce simple geste avait suffi, tous les regards convergèrent vers le roi des fous pour se baisser avec déférence.
    Croquemitaine sembla ne rien remarquer de l’attention dont il était l’objet. Il passa avec tendresse une main souple dans les cheveux de jais de la fille. Elle leva sur lui un regard sauvage, brûlant, au point qu’Isabeau en fut mal à l’aise. Croquemitaine rompit le silence sans tarder :
    –  Mes amis, voici la belle dont je vous ai parlé. Isa.
    Il prit la main d’Isabeau entre les siennes. Elle tremblait. Aussitôt, d’un même élan, hommes, femmes, enfants se mirent à frapper à pleines mains sur les cercueils, le sol, les murs, en un fracas assourdissant. Isabeau sentit le sang quitter son visage. Ils l’effrayaient, tous, avec leurs visages décharnés, leurs dents noires, jaunies dans leur sourire paillard. Ils se levèrent et s’approchèrent, avenants dans leur misère, effrayants dans leur ensemble. Isabeau se tourna vers Croquemitaine. La gitane avait noué ses bras autour de lui et l’embrassait à pleine bouche. Isabeau sentit ses jambes flageoler. Elle recula jusqu’à la porte, certaine soudain de vivre un nouveau cauchemar.
    Lorsqu’elle hurla, tous s’arrêtèrent, mais elle ne voyait plus rien. Elle venait de glisser dans une nuit sans fin.
     
    Philippus porta un mouchoir imbibé d’eau claire sur la tache qui ourlait les lèvres de François, espérant ainsi amoindrir les effets du poison. Il s’assura que le pouls restait stable bien que rapide, puis se décida.
    Il n’avait pas d’autre arme que son coutelas. Il avait un moment songé à emporter sa dague dans la chambre mais avait craint d’attirer l’attention. Il ne courait a priori aucun danger auprès du châtelain, et s’équiper ainsi pour veiller un moribond aurait peut-être donné l’alerte aux meurtriers.
    Se fiant à son instinct, il actionna le mécanisme d’ouverture et regarda la pierre s’enfoncer dans le foyer. Dans son dos, les flammes ronflaient,

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