La chance du diable
quartiers. De là, j’appelai de nouveau Gehre à Berlin et lui donnai le mot de passe complémentaire qui informait Dohnanyi et Oster du début de l’opération.
Nous savions que l’appareil de Hitler bénéficiait de dispositifs de sécurité spéciaux, avec diverses cabines isolées. Le siège même de Hitler était blindé et muni d’un
Documents système lui permettant de sauter directement en parachute. De notre point de vue, l’explosif était suffisant pour éventrer l’avion. Si, contre toute attente, il n’en était rien, l’explosion détruirait au moins une partie essentielle de l’avion qui ne manquerait pas de s’écraser.
Suivant nos calculs, l’avion devait s’écraser peu de temps avant d’atteindre Minsk, et nous supposions qu’un des chasseurs de l’escorte ne manquerait pas de signaler le crash à sa base. Mais rien de tout cela ne se produisit.
Plus de deux heures après nous arriva le message que l’avion de Hitler s’était posé sans problème à l’aéroport de Rastenburg et qu’il avait regagné son QG. La tentative d’assassinat avait visiblement échoué.
Nous ne savions pas à quoi attribuer l’échec. J’appelai de nouveau Gehre et lui donnai le mot de passe prévu pour l’échec du complot. Puis Tresckow et moi discutâmes de la conduite à tenir. Nous étions terriblement excités. Il était déjà très dommage que le complot eût échoué, mais la découverte de la bombe ne manquerait pas de nous trahir.
Après mûre réflexion, Tresckow décida de téléphoner au colonel Brandt. Il lui demanda de ne pas remettre le paquet au général Stieff, mais de le garder jusqu’au lendemain : il y avait eu une confusion. Par sa réponse, nous eûmes confirmation que la bombe déguisée en paquet de deux bouteilles de cognac n’avait pas encore été découverte. Nous devions empêcher que le colis fût remis au général Stieff qui, à cette date, ne faisait pas encore partie du complot.
Invoquant un prétexte militaire, je me rendis au QG le lendemain à bord d’un courrier régulier. Sur place, je rejoignis le colonel Brandt au département des opérations et troquai le paquet enfermant la bombe contre un autre colis contenant réellement deux bouteilles de cognac destinées au général Stieff [...].
2 Cercle de Kreisau,
« Principes du Nouvel Ordre en Allemagne », 9 août 1943
Exposé crucial des idéaux du groupe, voué au rétablissement de la paix, de la liberté et de la justice. Rédigé par l’un de ses chefs de file, Helmuth James Graf von Moltke (1907-1945), ce texte est le fruit de trois réunions du cercle de Kreisau.
Le gouvernement du Reich allemand voit dans le christianisme la base de la renaissance éthique et religieuse de notre peuple, du triomphe sur la haine et les mensonges et de la création à neuf d’une communauté européenne des peuples.
Le point de départ réside dans la contemplation pré ordonnée par l’être humain de l’ordre divin, qui lui assure son existence tant intérieure qu’extérieure. Ce n’est que si l’on réussit à faire de cet ordre la mesure des relations entre individus et communautés que l’on pourra surmonter le désordre de notre temps et instaurer une paix véritable. La réorganisation intérieure du Reich est la base de la mise en œuvre d’une paix juste et permanente.
Dans l’effondrement d’une formation de pouvoir qui est sans racines et repose exclusivement sur la maîtrise d’une technique, l’humanité européenne est confrontée à une tâche commune. Le progrès vers cette solution réside dans l’application décisive et active de la substance chrétienne de la vie. Le gouvernement du Reich est donc résolu à atteindre par tous les moyens dont il dispose les objectifs suivants, auxquels on ne saurait renoncer ni intérieurement ni extérieurement :
— La justice, bafouée ou piétinée, doit être restaurée et retrouver la suprématie sur tous les ordres de la vie humaine. Placée sous la protection de juges scrupuleux et indépendants, soustraits à la crainte des hommes, cette justice sera la base du façonnement futur de la paix.
— La liberté de confession et de conscience est garantie. Les lois et règlements existants qui bafouent ces principes sont immédiatement abolis.
— L’élimination des contraintes totalitaires qui pèsent sur la conscience et la reconnaissance de la dignité inviolable de l’être humain sont
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