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La chance du diable

La chance du diable

Titel: La chance du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Kershaw
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demeure unique par sa monstruosité. Les conjurés, qui étaient proches des Jésuites, pourraient-ils citer la maxime   : « La fin justifie les moyens   » ? S’ils y étaient prêts, cela ne prouverait que leur immense bêtise, et leur vision étriquée. Car comment pensaient-ils être utiles à leur peuple   ? 1918 a déjà montré ce qui arrive si l’on espère une paix à bon compte pour se débarrasser du régime.
    [...] C’est faire montre d’une incompréhensible myopie que d’imaginer qu’un putsch permettra d’approcher les Anglo-Saxons, quand ceux-ci ne peuvent tenir leur position vis-à-vis des Soviétiques. Si le complot avait réussi, il aurait bien fallu rétablir l’ordre à l’intérieur après des combats. Le danger était cependant de voir le front s’effondrer entre-temps.
    Voilà pour le regard qu’on peut porter sur les événements du point de vue de la politique et de la discipline. L’aspect humain est encore plus affligeant. On voudrait s’enfoncer sous terre de honte. Depuis 1918, le corps des officiers, autrefois soudé, avec ses rangs où régnait l’harmonie, n’existe plus. Au temps où il existait, c’est-à-dire depuis la fondation du Reich, je suis sûr qu’il n’a jamais connu un seul cas de haute trahison et de félonie [...].
    Il est apparu que l’action avait bien plus d’ampleur que le Führer ne l’a indiqué dans son discours. Des personnes qui n’appartiennent pas aux forces armées y sont aussi impliquées. Il est maintenant possible de dresser un bilan général et d’en tirer toutes les conséquences. Le temps n’est pas à la miséricorde, et le temps des partisans tièdes est révolu. La haine pour tous ceux qui résistent   ! Voilà ce que, personnellement je ressens [...].
    Après qu’on aura retranché toute la pourriture, la question est d’unir les éléments restants. Force nous est d’avouer que le peuple a fait montre d’une meilleure attitude que ces officiers, alors même que la population a dû souffrir plus que les auteurs du complot.
    La volonté de résister à l’ennemi s’est maintenant embrasée [...]. Ainsi devenons-nous plus forts et osons- nous espérer que nous surmonterons cette crise, telle que nous ne saurions en imaginer de pire. Je caresse l’espoir que, parmi tous les officiers que je regarde au fond des yeux, il n’y aura pas de tiède. Je suis convaincu que nous sortirons de cette situation. Mais même si la chance était contre nous, nous devrions nous rassembler résolument autour du Führer avec nos armes, jusqu’au dernier, afin que nous soyons justifiés devant la postérité. Pour nous, les anciens, c’est plus facile que pour les jeunes qui sont parmi nous. Mais cela ne change rien à la situation, car nous devons nous acquitter de notre devoir avec honneur aux yeux de l’Histoire et de la postérité.
     
     

10   Extraits des procès  devant le tribunal du peuple
     
    Ces extraits, si brefs soient-ils, suffisent à donner une idée du ton des débats de la cour et de la façon dont le président du tribunal du peuple, Roland Freisler (1893-1945), tenta de dénigrer et d’humilier les accusés.
     
    Procès du comte Yorck von Wartenburg
    YORCK   : Monsieur le président, j’ai déjà dit qu’au vu du cours pris par l’idéologie national-socialiste, je...
    F REISLER (l’interrompant) :... n’étais pas d’accord   ! Très exactement, vous avez dit   : s’agissant de la question juive, l’extermination des Juifs ne vous convenait pas   ; la conception nationale-socialiste de la justice ne vous convenait pas.
    Y ORCK   : L’essentiel est le lien entre toutes ces questions, la prétention de l’État à exercer un pouvoir total sur le citoyen, avec l’élimination de ses obligations religieuses et morales envers Dieu.
    F REISLER   : Dites-moi, où le nazisme a-t-il éliminé l’obligation morale d’un Allemand   ? Le national-socialisme a rendu les obligations morales d’un Allemand, de l’homme allemand, de la femme allemande, infiniment plus saines, il les a infiniment approfondies. Je n’avais encore jamais entendu dire qu’il avait éliminé les obligations morales. Pour ce qui est de la religion, là, le nazisme est très modeste. Il dit   : s’il vous plaît, faites comme bon vous semble, mais tenez-vous en à l’autre monde avec vos exigences, l’Eglise. Car les âmes, après tout, papillonneront dans l’autre monde. Ici, sur terre, notre vie présente

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