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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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dehors à coups de pied. Que s’était-il passé ? Où était le monsieur Morin
     d’antan ? Cela n’était pas possible ! Maintenant, quelques tournures de phrase,
     quelques gestes du temps de Montréal lui revenaient à la mémoire. Ces petites
     incartades, il les avait vite oubliées, se disant que ce n’était rien. Et il
     était trop penché sur sa petite misère pour voir clair. Il avait presque envie
     de prendre la marraine de Julianna à part et de lui conseiller de rompre ses
     fiançailles. Au lieu de cela, pour avoir sa fromagerie, il lui faudrait la
     convaincre de se dépêcher à se marier… Si son père n’était pas mort, si la
     compagnie n’avait pas grugé sur ses terres, si…
    Le curé reprit la conversation.
    — Vous itou, madame Rousseau, vous devez être ben contente d’être sortie de
     l’enfer de Montréal ?
    Julianna glissa une mèche de cheveux derrière son oreille et bredouilla :
    — Ben, vous savez monsieur le curé, Montréal, c’est pas comme les gens d’icitte
     pensent...
    — Ah non ? J’y ai jamais été, comme vous savez. Je viens de Chicoutimi pis j’me
     suis jamais rendu plus loin que Québec.
    Le curé se tourna vers l’avocat.
    — Vous, monsieur Vissers, vous êtes pas tenté de vous installer par chez
     nous ?
    Henry était en train de s’allumer une cigarette. Machinalement, il en avait
     offert aux femmes présentes qui avaient toutes refusé sous le regard
     désapprobateur des autres hommes. Il n’y avait guère que des femmes de mauvaise
     vie pour avoir une telle inconduite en public ! Ti-Georges en avait accepté une.
     Monsieur Morin, lui, avaitdédaigné les Sweet Caporal de Henry
     pour sortir ses MacDonald au menthol.
    — Pas vraiment, monsieur le curé. Je vais me contenter de rendre visite à votre
     belle région de temps en temps.
    — C’est un ben gros voyage que vous faites là en train.
    — On va pouvoir venir plus souvent quand on va pouvoir traverser en
     automobile.
    — En automobile jusqu’à Montréal ? Vous y pensez pas ! Juste aller à Québec par
     la route du petit parc de la galette, en plein été, ça relève du miracle !
    — Vous verrez, monsieur le curé, vous verrez. Les automobiles, c’est l’avenir
     pis on va avoir une belle grande route qui va relier Montréal à votre région
     d’un bout à l’autre.
    — On a la preuve que l’air de Montréal, ça embrouille une tête, hein monsieur
     le curé ? dit Ti-Georges. Ça pense tout à l’envers, cette race de monde là. S’y
     pleuvait pas tant, j’vous aurais emmené faire un tour dans mon camion. J’vous
     ai-tu raconté quand on est descendus à Jonquière la semaine passée ? C’est moé
     qui a conduit pour revenir !
    Julianna entendit pleurer Léo. Elle quitta le salon et demanda à Yvette de
     surveiller son petit frère Jean-Baptiste. Rolande tendit Augustin à Marie-Ange
     et s’empressa de suivre sa belle-sœur. Pauvre Rolande, elle était blanche comme
     un linge et était disparue à tout bout de champ pendant la journée afin d’aller
     vomir. À cause de la pluie, Julianna avait été assez gentille pour lui installer
     dans sa chambre un bassin en émail qui servait aux enfants lorsqu’ils étaient
     malades. Julianna referma la porte de la chambre derrière elles, prit son
     nouveau-né affamé et s’installa dans la chaise berçante afin de lui donner le
     sein. Rolande s’assit sur le bord du lit et tint le bassin entre ses mains, la
     tête penchée au-dessus, respirant à grands coups. Ses premiers mois de grossesse
     seraient probablement toujours aussi difficiles, se disait-elle en prenant son
     mal en patience. Julianna lui sourit.
    — C’est ben certain que la boucane de cigarette aide pas dans
     ces cas-là.
    — Que ça sente les fleurs ou le diable, j’aurais mal au cœur pareil. Ma mère
     était comme moé. C’est de famille.
    — T’as pas souvent de nouvelles d’eux autres, fit remarquer Julianna.
    Rolande garda le silence.
    — Ti-Georges m’a dit qu’y t’avait offert d’aller voir tes parents à Québec pis
     que t’as pas voulu.
    — C’est vrai, répondit-elle gênée. Quand mon père m’a… donnée en mariage à
     Paul-Émile, j’me sus juré de pus jamais leur adresser la parole, confia
     Rolande.
    Julianna sentit toute l’amertume contenue dans cet aveu. Elle revit l’image de
     la petite sauvageonne cachée derrière le fils Belley. Il était évident que la
    

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