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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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jeune fille ne s’était pas mariée par choix.
    — Pis les grands-parents d’Augustin, monsieur pis madame Belley ? Y le voient
     pas ben ben grandir cet enfant-là.
    — Je... j’ai pas vraiment envie de les voir eux autres itou y faut croire.
     J’sais que c’est pas chrétien, Julianna, mais c’est vous autres ma vraie famille
     astheure.
    Gênée, Rolande décida de changer de sujet.
    — Y est beau, hein, le camion à Ti-Georges ?
    — Le camion ?
    — Ben oui, j’pensais jamais être fière comme ça. Mon Ti-Georges, y commence à
     être quelqu’un à Saint-Ambroise.
    — Tu sais, Rolande, tu rends mon frère ben heureux. J’te remercie ben gros pour
     ça.
    — Ben voyons donc Julianna ! Me remercier de donner du bonheur à mon mari.
     C’est à ça que je sers, voyons ! Monsieur Morin avait raison tantôt. On devrait
     pas chercher à faire autre chose. C’est ça qu’on nous enseigne en tout cas,
     rendre notre mari pis nos enfants heureux. Tu penses pas comme ça toé,
     Julianna ?
    La femme blonde pensait surtout qu’elle aurait aimé être
     professeur de chant. Elle aurait fait un bon travail…
    — Des fois, j’trouve qu’on s’oublie trop, nous autres les femmes. Marie-Ange
     dit qu’y faut qu’on fasse changer les choses.
    — C’est pas bon qu’une femme veuille être avocat comme un homme. Une femme,
     c’est fait pour faire des enfants, non ? Y a pas personne d’autre que nous
     autres pour ça.
    — Quand je pense que ça fait rien que six ans que la loi dit qu’on est des
     personnes… J’en reviens pas !
    — Moé, j’ai pas compris ce que l’avocat a dit. Si on était pas des personnes,
     on était quoi ?
    — Pas grand-chose si tu veux mon avis… Pis j’pense qu’on est pas grand-chose
     encore... On est rien qu’un ventre pour faire pousser les bébés pis des seins
     pour les nourrir.
    — Julianna ! s’offusqua la jeune Rolande en rougissant devant les mots crus de
     sa belle-sœur.
    Julianna sembla se souvenir à quel point la deuxième épouse de son frère était
     jeune.
    — T’as ben raison de me chicaner, ma Rolande. Attends, j’vas recoucher mon Léo
     pis j’vas aller te chercher un morceau de pain. Y faut jamais que tu restes
     l’estomac vide, jamais. Tu devrais toujours te traîner quelque chose à manger
     dans les poches de ton tablier.
    — Merci ben gros, Julianna.
    Rolande eut une plus grosse nausée et se mit à vomir dans le plat. Julianna lui
     tint la tête en espérant presque que ce soit un garçon, ce bébé. Donner la vie à
     une fille n’était pas un cadeau à lui faire…
    Elle revint seule au salon et expliqua que Rolande ne se sentait pas bien et
     qu’elle s’était allongée un peu.
    Le curé en profita pour prendre congé.
    — Je vous remercie beaucoup, madame Rousseau, pour votre invitation. Ce fut
     bien agréable mais y faut jamais abuser des bonnes choses.
    Tout le monde se leva pour saluer cet invité de marque.
     Julianna alla lui chercher son chapeau et son parapluie. Ti-Georges déclara
     qu’il irait le reconduire dans son camion jusqu’au presbytère. Avec gratitude,
     le curé accepta. Il se tourna vers Léonie.
    — Ma bonne madame Rousseau, dit-il en prenant affectueusement la main de
     celle-ci, j’aimerais bien que vous passiez me voir avant de repartir pour votre
     lointain Montréal !
    — Avec plaisir, curé Duchaine. J’voulais justement me confesser pis vous
     demander votre avis sur... sur... enfin quelque chose de personnel.
    — Je pense pas qu’on va avoir le temps, très chère, intervint monsieur
     Morin.
    Ah non ! si Léonie croyait lui échapper… Il ne fallait pas qu’elle parle à ce
     curé !
    — Je vous l’ai pas dit encore, mais j’ai décidé de prendre le train de demain
     au lieu de celui de samedi, ajouta-t-il.
    Julianna venait de revenir avec les effets du curé. Elle s’étonna :
    — Quoi, ben voyons donc marraine, vous étiez supposés rester au moins toute une
     autre semaine !
    — C’est que monsieur Morin voudrait repartir avant, ma fille, répondit
     Léonie.
    — Mais quand le curé demande à voir une de ses ouailles, il serait bien mal vu
     qu’on lui refuse ça, dit le prêtre avec un air de reproche à l’intention
     d’Albert.
    Celui-ci ne se laissa pas démonter.
    — On en a des curés à Montréal, des bons.
    Léonie se rebiffa :
    — Albert !
    — Léonie, j’ai dit que je voulais repartir demain,

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