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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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anglais qui l’avait fait chavirer autrefois.
    Elle en eut un frisson.
    — John... Que c’est que tu fais icitte ?
    L’Américain lança un regard acéré à l’autre homme.
    — Je suis arrivé à Montréal la semaine dernière.
    Il fit une légère pause avant de reprendre d’un ton décidé :
    — Il était temps que je vienne reprendre ce qui m’appartient. My God, yes, it
     was time.

    François-Xavier quitta Mistassini. Il avait hâte de retrouver sa famille. Il
     avait accepté de rester chez les moines jusqu’à la mi-avril afin de leur
     dessiner les plans préliminaires d’une annexe à leur monastère. On avait eu vent
     de ses talents d’architecte. Il avait été peiné de retarder ainsi son retour et
     avait fait envoyer un télégramme à sa femme. Mais il ne pouvait cracher sur un
     revenu supplémentaire. Surtout que cela lui permettrait d’acheter des bottes aux
     enfants tel qu’il l’avait promis à Julianna sans toucher à la somme requise pour
     la construction de la fromagerie. Il était si heureux. Avec l’investissement de monsieur Morin, il pourrait aller de l’avant. Il poussa
     un long soupir. Cependant, il n’en avait pas assez pour offrir un piano à sa
     femme. Pauvre Julianna… De toute façon, avec les enfants, sa femme n’avait guère
     de temps pour jouer de la musique. Julianna avait certainement accouché depuis
     des semaines. Il pensa à ce nouveau bébé et se demanda ce qui l’attendait, un
     garçon ou une fille ?

    Léonie resta sans voix. Revoir John après tant d’années déchaînait en elle
     mille sentiments contradictoires qui la paralysaient. Oh, bien sûr, quelquefois,
     elle s’était demandé si elle le reverrait jamais, mais le temps passant, cela ne
     devint qu’une fugitive pensée. Elle l’avait tant aimé, passionnément, à ne plus
     y voir clair. Enfin, elle avait cru l’aimer… Elle était si jeune alors. Cela
     avait pris Ernest sur sa route pour qu’elle sache ce qu’était vraiment l’amour.
     Toujours muette, Léonie se répétait les paroles de John : « Je suis venu
     reprendre ce qui m’appartient... » Parlait-il de son argent, de sa prétendue
     fille ou… d’elle ?
    Albert devint si pâle que Léonie crut un instant que son fiancé allait
     également défaillir. Si John ne l’avait pas soutenue, elle aurait certainement
     perdu conscience. Elle tenait son cœur à deux mains comme pour l’encourager de
     continuer à battre, de ne pas se laisser atteindre, de rester sourd à toutes ces
     émotions trop fortes. Cela n’avait aucun sens… La lettre de Julianna, la folie
     d’Albert, le retour de John… Dans un brouillard, elle entendit Albert bégayer le
     nom du visiteur inattendu.
    — Mon… mon... monsieur Mor… Morgan !
    — Albert… Je ne vous dérange pas trop, j’espère ? persifla l’Américain.
    Les yeux d’Albert allaient de gauche à droite comme s’il cherchait une porte de
     sortie.
    Léonie reprit sur elle. Elle respira un bon coup et se
     redressa. John lui prit doucement le bras et continua à la soutenir.
    — John, qu’est-ce que tu fais à Montréal ? eut-elle le courage de
     demander.
    — I told you before...
    La femme ferma un instant les yeux et supplia :
    — Parle en français… murmura-t-elle.
    En cet instant, c’eût été au-dessus de ses forces de se concentrer à converser
     en anglais. John se méprit et crut que cette demande faisait référence à leur
     ancienne vie commune. Il se souvint à quel point cela agaçait sa jeune maîtresse
     qu’il s’adresse à elle en anglais. Elle lui reprochait qu’il était injuste que
     cela soit toujours elle qui se force à ne pas parler dans sa langue
     maternelle.
    Un air tendre adouci éclaira le visage de l’Américain.
    — Tu n’as pas changé... Ma belle petite Canadienne française... ma belle du
     lac...
    Albert retrouva un peu d’assurance et s’interposa.
    — Euh, monsieur Morgan… j’apprécierais que vous n’approchiez pas de ma
     fiancée.
    John se mit à rigoler de façon méprisante.
    — I’m sorry, but it’s so funny ! Oh ! Léonie, excuse-moi mais… C’est vraiment
     trop drôle, ces fiançailles !
    Soudain épuisée, Léonie demanda d’une petite voix suppliante :
    — Sortez de ma maison… tous les deux…
    John regarda son ancienne maîtresse un moment sans rien dire puis, d’un ton
     teinté d’amertume, il murmura :
    — J’avais imaginé notre rencontre

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