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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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cette cause. Léa lui avait été présentée lors de la préparation d’une
     manifestation dans la rue. Aux côtés de Rose Pesotta, cette femme extraordinaire
     menait les travailleuses de l’aiguille vers la liberté. Née à Montréal dans une
     famille juive, Léa Roback refusait de vivre et de baisser latête comme les autres femmes de son époque. Jeune fille, elle était partie
     étudier à Grenoble la littérature. Elle avait séjourné à New-York, ensuite en
     Allemagne où son frère résidait. Elle avait fait part à Henry de ses inquiétudes
     sur le mouvement antisémite qui grugeait ce pays. Profondément contre le nazisme
     qui s’implantait, elle s’était engagée dans le parti communiste allemand. Mais,
     menacée, elle était revenue à Montréal en 1932 et s’était tout naturellement
     jointe au nouveau parti communiste. Henry la trouvait unique et exceptionnelle.
     Il avait senti son cœur battre pour une autre femme que Julianna comme jamais il
     ne l’aurait cru possible. Elle était d’une intelligence si vive…
    À sa grande déception, Léa ne semblait pas être disponible. Il chercha à savoir
     pourquoi. Cependant, Léa restait très secrète sur sa vie amoureuse. Il avait
     seulement appris que l’amour l’avait emmenée jusqu’en URSS, sans plus de
     détails. Léa se consacrait entièrement à sa lutte pour le droit des femmes et ce
     combat était tout ce qu’elle consentit à partager. Engagée depuis l’année
     dernière par l’Union internationale des ouvriers du vêtement pour dames, elle
     n’avait eu de repos tant qu’elle n’avait pas gagné cette grève. Comme elle
     s’exaltait quand elle lui décrivait les conditions horribles dans lesquelles ces
     femmes travaillaient ! Des lieux malpropres, pleins de cafards, des conditions
     d’hygiène inexistantes. Des heures de travail inhumaines pour un salaire
     minable. Des mères, des sœurs, des enfants, cousant jusque tard dans la nuit
     afin de terminer l’ouvrage ramené de l’usine. Des filles obligées d’offrir des
     faveurs sexuelles pour éviter la mise à pied. Il y avait de quoi se révolter !
     Léa l’avait étonné par sa détermination. Elle avait toujours été certaine de la
     victoire ! Henry avait été heureux d’être à ses côtés en cette journée
     historique. Après le succès des grévistes, leurs rencontres s’étaient
     espacées.
    L’avocat envoyait de longues lettres à ses amis de Saint-Ambroise dans
     lesquelles il avait résumé les derniers événements. Il leur parlaitlonguement de politique. Le gouvernement conservateur de
     Duplessis l’avait tellement déçu. Il leur expliqua l’absurde nouvelle loi du
     cadenas et la chasse aux communistes de l’homme au pouvoir. Depuis le printemps,
     leur cher premier ministre autorisait la fermeture de tout lieu qui faisait de
     la propagande communiste. Léa se sentait pourchassée comme une sorcière. Henry
     avait honte de Duplessis qui menaçait d’envoyer son escouade rouge jouer à la
     police en apposant un cadenas sur la porte d’un édifice sur la seule allégation
     que « ça sentait le communisme ». Le sang de l’avocat ne faisait qu’un tour
     contre ces abus de pouvoir. Le ton de ses lettres était passionné. Il disait que
     la révolte couvait. Il ajoutait à ses envois une copie de quelques articles du
     journal La Nation qui venaient appuyer ses dires.
    Henry faisait également souvent référence à l’abbé Lionel Groulx et à sa
     « génération des vivants ». Leur ami démontrait beaucoup d’admiration pour ce
     prêtre historien et nationaliste. Julianna faisait la lecture à haute voix de
     ses lettres. François-Xavier l’écoutait d’une oreille, calculant combien
     d’années il lui faudrait pour accumuler la somme manquante afin de construire sa
     fromagerie. Pierre préférait aller dehors et profiter au maximum de ces jours
     bénis de congé d’été. Yvette et Mathieu, cependant, écoutaient religieusement
     leur mère. La fillette de neuf ans ne saisissait pas toujours le sens du contenu
     mais elle devinait l’importance des mots. Mathieu, lui, ne rêvait que de son
     parrain qui était devenu son héros. Il se laissait bercer par la musicalité de
     la voix de sa mère et n’attendait que le moment final où, enfin, l’auteur des
     lettres offrait ses amitiés à toute la famille, un bonjour à son filleul et une
     caresse pour Baveux.

    Septembre revint et

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