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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Laura tandis qu’Yvette déclarait qu’un jour, sa
     maîtresse pourrait s’étouffer avec sa craie. Mathieu se contenta de sourire
     tristement à sa petite sœur. Delphis dit qu’il avait peur de mademoiselle
     Potvin, que c’était une folle. Sophie approuva et Samuel donna un bec sur la
     joue de Laura. On la rassura et on lui promit que tout s’arrangerait, qu’il ne
     fallait pas qu’elle s’en fasse, ce n’était que son premier jour de classe, que
     les autres seraient différents. Mais toute la semaine, ce fut le même manège ou
     presque. La maîtresse faisait semblant de ne pas voir Laura demander la
     permission d’aller se soulager. Ne pouvant plus se retenir, celle-ci urinait sur
     son banc. Elle se voyait forcer de laver le plancher et de rester sale toute la
     journée. Le vendredi, Pierre aurait hurlé de rage. Du fond de la classe, il
     lançait des regards meurtriers à sa maîtresse tandis qu’elle ridiculisait sa
     petite sœur à cause de son défaut de langage. Laura venait de répondre : « Ze le
     sais pas, mademoiselle » à une question, et la femme l’avait imitée en répétant
     sa réponse. Plus tard, ce vendredi après-midi, Laura leva la main deux fois.
     Mademoiselle Potvin ignora la demande de la fillette et Laura s’échappa à
     nouveau. Quand la vieille fille s’en rendit compte, au lieu de son habituel
     mouvement d’exaspération en désignant la serpillière du doigt, elle courut
     jusqu’au pupitre de Laura. Elle l’attrapa par l’oreille et la tira violemment
     jusqu’à son bureau, la faisant presque trébucher en montant sur l’estrade. Laura
     grimaçait de douleur. Pierre se tenait à deux mains à son pupitre. Ne lâchant
     pas la fillette, de sa main libre, la maîtresse prit sa grande règle de bois et,
     l’élevant dans les airs, de sa voix aiguë, lui dit :
    — J’ai été patiente avec toi, Laura Rousseau, mais là tu vas recevoir la
     correction que tu mérites.
    D’un grand coup sec, elle abattit le morceau de bois sur les jambes de Laura
     qui s’agenouilla sous la douleur. La méchante femme ne lâchait
     toujours pas l’oreille de la pauvre enfant, ce qui la fit crier encore plus.
     Alors que la maîtresse s’apprêtait à frapper de nouveau, tout à coup, venant du
     fond de la salle, Pierre fonça sur elle et lui prit la règle des mains en
     criant :
    — C’est assez !
    Médusée, mademoiselle Potvin se redressa, libérant enfin la petite fille.
     Pierre poussa Laura vers son autre sœur et ordonna :
    — Yvette pis Mathieu, allez vous-en à la maison tout de suite avec elle.
    Laura s’était jetée en pleurant dans les bras d’Yvette. Mathieu se leva de sa
     place, prit ses sœurs par la main et obéit à Pierre. Ils sortirent en courant de
     l’école.
    — Pierre Rousseau, redonne-moi ma règle tout de suite, dit la maîtresse en
     reprenant contenance.
    Au lieu d’obtempérer, Pierre poussa de toutes ses forces le pupitre derrière
     lequel mademoiselle Potvin essayait de se mettre à l’abri et le fit basculer en
     un grand bruit sourd. Autour, les cahiers s’éparpillèrent, les livres tombèrent
     à l’envers. L’encrier se cassa. Pierre se retrouva le visage maculé de taches
     noires tel un guerrier indien prêt à la bataille. C’est d’ailleurs d’un air
     sauvage qu’il se tourna vers le reste de la classe.
    — Sortez d’icitte ! aboya-t-il. Envoyez, Delphis, Sophie, Samuel, restez pas
     icitte, allez-vous-en, tout le monde ! Sortez !
    Ce fut le brouhaha pendant un moment, les garçons et les filles se bousculant
     pour sortir les premiers, effrayés de la terrible colère de Pierre. Furieux, le
     garçon reporta son attention sur sa maîtresse qui, apeurée, avait reculé
     jusqu’au tableau.
    — T’es rien qu’une criss de folle, lui murmura-t-il les dents serrées. Tu nous
     as assez fait manger d’la marde, là, c’est à ton tour.
    Enragé, Pierre se mit à frapper l’institutrice à coups de règle sur le dos, les
     bras, la tête, partout où il pouvait l’atteindre. Le morceau de bois éclata
     finalement. Pierre cessa l’attaque, haletant. Il regardad’un
     air méprisant la femme recroquevillée qui pleurait par terre et sans plus un mot
     quitta la classe. Il passa sans les voir devant quelques enfants qui, curieux,
     étaient restés sur le pas de la porte, pour être témoins de la scène. Il ne sut
     même pas comment il avait trouvé la sortie. Devant ses

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