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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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jour. Ce qu’on sait pas, c’est quand... Y en a que le
     Bon Dieu vient chercher quand y sont des petits bébés. C’est pour ça que chaque
     jour, y faut faire attention. Y faut prier que le Bon Dieu vienne juste quand on
     est ben ben ben vieux. Mais c’est lui qui décide. Y a rien à faire...
    Elle vit Pierre revenir et lui tendre une grossière boîte de bois toute croche,
     clouée à la va-vite. Elle le remercia, mit le chaton dedans et dit à son
     fils :
    — Pierre, tu vas aider Yvette à enterrer son chat. La terre est pas encore trop
     gelée, tu vas pouvoir creuser. Fais le trou profond pis mets des roches
     dessus.
    Julianna se dit qu’elle ne voulait surtout pas que sa fille voie un animal
     gruger les restes de son chaton. Elle s’adressa à sa fille :
    — Pis Yvette, demande aux autres de venir avec toé, pis vous ferez une prière
     ensemble.
    — C’est quoi que je dis ? demanda Yvette en reniflant.
    — Tu dis que tu l’as aimé ben gros pis que t’aurais aimé ça le voir grandir pis
     devenir un beau chat pis... pis que tu sais qu’y va devenir le p’tit chaton
     préféré du Bon Dieu, baptisé ou pas… termina-t-elle à mi-voix.
    — Y va être le p’tit Colleux du Bon Dieu, dit Yvette. Pis y va trouver ça ben
     drôle quand Colleux va se frotter contre son oreille...
    — Oui, ma puce, on va l’entendre rire jusque sur la Terre pis quand le tonnerre
     va rouler, tu vas savoir que c’est Colleux qui est en train de ronronner.

    Noël approchait à grands pas et la semaine précédant les Fêtes, Julianna reçut
     un cadeau tombé du ciel. On frappa à la porte en pleine heure de dîner.
     Bougonnant un peu sur les malappris qui la dérangeaient ainsi, elle envoya
     Pierre voir ce qu’on voulait.
    — Maman, c’est deux messieurs pis y disent qu’y ont un cadeau pour vous.
    Julianna s’avança.
    — Entrez donc, voyons, les invita-t-elle.
    — Merci ben madame... On est chez François-Xavier Rousseau ?
    — Mon mari est pas là...
    — On le sait ben, c’est lui qui vous envoye un cadeau.
    — Un ben gros cadeau, dit l’autre homme.
    Julianna ne comprenait pas. Ces deux hommes lui apportaient un cadeau au nom de
     François-Xavier ?
    — Y faut vous donner cette lettre pis rien vous dire.
    Julianna prit l’enveloppe qu’un des deux hommes lui tendait. Elle l’ouvrit et
     se mit à lire à haute voix.
    « Ma princesse, les hommes qui sont là sont des amis de chantier. Ils avaient à
     descendre pour les Fêtes. Moé, j’aurais ben aimé êtreavec toé
     pis les enfants. J’ai tout organisé en cachette cet automne avant de
     partir. »
    Les enfants étaient autour d’elle et l’écoutaient attentivement. Les deux
     hommes étaient retournés dehors. Julianna les regarda s’affairer de chaque côté
     d’un immense traîneau à bois, du genre que les hommes utilisent pour charger des
     troncs d’arbre et où ils grimpent debout sur la charge pour guider le cheval.
     Une bâche recouvrait quelque chose sur la plate-forme. Julianna reprit sa
     lecture tandis que les hommes dénouaient les câbles qui retenaient la
     mystérieuse charge.
    — Maman, lisez tout haut ! s’exclama Pierre.
    Julianna reprit :
    « Les frères Vauvert sont obligés, à cause de la compagnie pis des dégâts
     d’eau, de fermer. Ils ont essayé, pendant toutes ces années de s’en sortir, mais
     ils ont pas réussi. »
    Les hommes se lançaient les cordes de part et d’autre du traîneau et les
     enroulaient solidement.
    « Ils vont déménager au printemps, recommencer ailleurs. J’ai pensé que cette
     surprise te consolerait de la perte d’Amédée... Je t’aime ben gros... pis va
     voir dans le poulailler si les poules ont des dents... »
    « … si les poules ont des dents... » Qu’est ce que... Julianna releva encore
     les yeux. Les hommes venaient de retirer la bâche. À l’envers, les pattes vers
     le ciel, son piano l’attendait. Avec un cri de joie, elle tendit la lettre à
     Pierre et se mit à courir vers le fardier. Elle tendit la main vers la
     plate-forme et se mit à caresser le bois verni de l’instrument. Tout le reste
     était soigneusement recouvert de catalognes.
    — Vous allez prendre froid, ma p’tite dame…
    — Mon piano, c’est pas vrai, mon piano !
    Les frères avaient bien préparé le déménagement du dispendieux instrument. À
     l’aide de cordelettes de tissu, ils avaient fermé le clavier et le couvercle.
    

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