La chapelle du Diable
sont pas capables de nous dédommager comme du monde !
ajouta-t-il.
— Oh ! ils sont capables ! Entre pouvoir et vouloir, il n’y a que la consonance
de similaire… Ils sont pas pressés. À part quelques rares cultivateurs qui
avaient des amis haut placés pis qui ont reçu un montant assez généreux, pour
vous autres, la lutte va être dure.
— C’est toé que le comité de défense aurait dû engager comme avocat, fit
remarquer Ti-Georges.
Henry sourit. Georges lui avait répété cela tout l’été.
— Vous êtes entre bonnes mains avec mon collègue de Chicoutimi. Maître Boivin
est excellent. Et puis je retourne à Montréal demain.
— Tu as fini à Val-Jalbert ? le questionna François-Xavier.
— Hélas, oui… Demain, le 13 août 1927, Val-Jalbert n’existera plus.
— Pis les habitants du village, qu’est-ce qu’y vont devenir ? s’inquiéta
François-Xavier.
— Ils doivent partir.
— Pis leurs maisons ? demanda-t-il encore.
— Tout le village appartenait à Jalbert. Les maisons étaient louées. C’est bien
triste mais ils doivent tout laisser derrière eux.
— Bateau, un village complet abandonné…
— Oui, dit Henry, Val-Jalbert ne sera plus qu’un village fantôme. Il ne restera
que des vestiges et des souvenirs.
Avant de prendre le train pour s’en retourner à Montréal, Henry vint faire ses
adieux aux Rousseau. Attroupés sur le trottoir en face de leur maison,
François-Xavier et Julianna se tenaient enlacés, Pierre dans les bras de son
parrain Georges. Henry se tourna vers le jeune couple.
— Avant de partir, j’ai quelque chose à vous dire, dit Henry.Grâce à vous, j’ai passé un merveilleux été, le plus beau depuis bien
longtemps. Pour vous remercier de votre hospitalité...
— Allons donc, Henry, tu as demeuré à l’hôtel ! l’interrompit Julianna.
— Pis comme je vous avais pas donné de cadeau de mariage, poursuivit-il tout en
sortant de sa poche deux petites boîtes.
Timidement, Henry les offrit, une à Julianna, l’autre à son mari.
L’une d’elle contenait des boutons de manchette, l’autre un magnifique
collier.
— Oh, que c’est beau ! Merci !
François-Xavier le remercia à son tour.
— C’est un cadeau princier, Henry, ajouta-t-il.
— Oh, pour moi c’est pas grand-chose, enfin je veux dire que...
Henry se rendit compte de sa maladresse. Confus, il se dandina sur place.
Julianna retournait le bijou entre ses mains et l’admirait de tous les côtés.
François-Xavier, sans émotion apparente, rétorqua :
— Quand quelqu’un rend ma femme heureuse, je peux juste être d’accord
avec ça.
Il avait appuyé sur l’adjectif possessif.
— Oh oui, je suis heureuse. Merci encore !
Cette fois, Julianna sauta au cou de Henry et l’embrassa affectueusement.
Celui-ci rougit jusqu’aux oreilles et jeta un regard à François-Xavier. Les deux
hommes se dévisagèrent. Sans se rendre compte de rien, tout à son bonheur, la
jeune femme ajouta :
— T’oublies pas, t’es le bienvenu quand tu veux ! T’es comme un membre de la
famille astheure !
D’un air malicieux, Georges tendit son filleul à l’avocat.
— Bon ben bateau, dis bonjour à mononcle Henry, mon bonhomme !
Quand Julianna se mit au lit, ce soir-là, elle déposa son beau
collier tout neuf dans sa petite boîte à bijoux et l’admira un moment avant de
dire à son mari qui venait de rentrer dans la chambre :
— J’en reviens pas encore...
— Quoi ?
— Il doit valoir une fortune, ce collier-là !
— Hum, hum, fit-il en retirant sa chemise.
— J’aurais peut-être dû refuser...
— Ben non. Mais t’étais pas obligée de te jeter à son cou...
Enfin, Dieu merci, son mari montrait un peu de jalousie. Julianna sourit de
contentement. Elle s’approcha de lui, le prit par la main et l’entraîna au
salon. Il rouspéta un peu mais se laissa faire quand même. Elle s’assura de bien
fermer les rideaux, s’assit au piano et se mit à jouer une douce mélodie.
Coquine, elle dit :
— Tu sais pourquoi j’aime jouer juste pour toé ? Pour que tu viennes te placer
en arrière de moé. Allez viens, oui... comme ça... Pis que tu mettes tes mains
autour de mon corps... oui, c’est bien... pis que tu m’embrasses dans le cou...
hum... descends tes mains, un peu plus bas...
Pendant un instant, François-Xavier obéit. Il ne fut pas
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